Clients choyés, marges avant tout: le coup de gueule d'un agriculteur contre la grande distribution
Agriculteur à Schneirseim, dans le Bas-Rhin, depuis quatre décennies, Jean-François Vierling risque cette année de devoir se débarrasser de 90 tonnes de sa production d’échalotes: les supermarchés avec lesquels il travaille n’en veulent plus. Il n’y a pourtant pas eu de surproduction d’échalote cette année, assure-t-il.
"La grande distribution veut tout à des tarifs préférentiels, pour répondre aux questions de pouvoir d'achat du consommateur. Le produit agricole est devenu une variable d'ajustement", déplore Jean-François Vierling ce mardi sur RMC.
S'il reconnaît que l'organisation du marché "n'est pas toujours parfaite", l'agriculteur rappelle qu'il a un prix de revient à respecter, sous peine de "fermer les portes". "Les distributeurs n'ont pas toujours connaissance du coût de production. Ce qui est important c'est de soigner leurs clients, le pouvoir d'achat, et de faire de la marge. Et on s'en fout du reste", déplore Jean-François Vierling.
Alors comment la situation a empiré? "Le Covid-19 est passé par là, on a un regain d'égoïsme et d'individualisme alors qu'on devrait se serrer les coudes et que chacun y trouve son compte pour le développement harmonieux. L'économie, ce n'est pas l'un contre l'autre", assure-t-il.
Bientôt le retour des "supers promos"
"C'est l'éternel problème depuis 50 ans, comment trouver l'équilibre entre la demande de prix bas et obtenir le revenu de son travail", déplore aussi de son côté Yves Puget, directeur de la rédaction du magazine LSA, le magazine des professionnels de la consommation.
"Malheureusement, c'est aussi le consommateur qui fait de l'alimentaire une variable d'ajustement. L'alimentaire est devenu la variable d'ajustement. Le consommateur français estime qu'il a des dépenses contraintes, comme son loyer, qu'il ne peut pas faire baisser. Il arbitre donc dans les magasins, entre les catégories de produits et les marques, et c'est pour ça qu'on a une forte progression des premiers prix", détaille Yves Puget.
Et les premiers prix ont la cote, avec une croissance de 18%. Un effet qui ne devrait pas s'estomper alors que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé le retour prochain des "supers promos". La loi Egalim, censée protéger la rémunération des agriculteurs, limitait les promotions à 34%. Désormais, elles pourront de nouveau aller jusqu'à 50%, même si Yves Puget assure que les distributeurs vont très peu jusqu'à 34%, le taux moyen de promotion se situant autour des 21%.
90 tonnes d'échalotes à écouler en quatre semaines
En attendant, François Vierling doit vendre sa production, soit 90 tonnes d'échalotes. Et le temps est compté. "La production n'est pas perdue, j'ai quatre semaines pour écouler ma production (90 tonnes d’échalotes, ndlr) pour faire de la place à ma nouvelle production", explique l'agriculteur.
"Pour moi, c'est une question de survie, comme pour beaucoup d'agriculteurs. Quand on arrêtera, personne ne reprendra derrière, c'est une évidence. Et c'est la prise de conscience qu'il faut avoir aujourd'hui. Il faut se nourrir et la proximité est un atout indéniable pour nos concitoyens consommateurs", ajoute-t-il.
Pour sauver sa production, il compte alerter le consommateur sur le besoin des circuits-courts en plein défi climatique: "Ce ne sont pas juste des mots, c'est la réalité", prévient l'agriculteur. "Tout le monde a une responsabilité dans cette situation. Il y a eu un transfert du bio vers le premier prix", rappelle Yves Puget en guise de conclusion.