J'ai décidé de ne pas acheter de vêtements pendant un an et ce n'est pas si simple

- - NICOLAS TUCAT / AFP
"Un grand courant se développe depuis quelques années: le minimalisme en consommation. On se définit plus par la consommation que par la citoyenneté. Résultat, les objets nous encombrent. Beaucoup d'études montrent que les gens stockent sans savoir quoi faire de leurs biens. On est tous en surstockage et ce constat je l'ai fait pour moi. Chaque année, chaque changement de saison, je rachète des vêtements, sans toutefois renouveler de fonds en comble ma garde-robe. Ça m'arrive de rentrer chez moi et de me rendre compte que j'ai acheté le même habit que six mois auparavant. J'aime la mode mais je ne me considère pour autant pas comme accro au shopping. Il n'y avait rien de pathologique.
Il y a donc ce courant minimaliste qui dit, en gros, 'il faut arrêter d'acheter et revisiter tout ce que l'on a'. J'ai donc voulu essayer pour plusieurs raisons. La première est financière: ne plus acheter des choses que l'on ne met pas ou en doublon, ça fait du bien au porte-monnaie. La deuxième chose, c'est que ça fait entrer dans un courant de citoyenneté qui est la responsabilité sociale, sociétale, environnementale. Parce que chaque vêtement, objet que l'on achète ou rachète n'est pas forcément recycler de la bonne façon. C'est donc une démarche durable.
"J'ai envie d'être un peu plus citoyenne"
Enfin, cela permet de gagner en espace, en sérénité d'esprit. On se rend compte que l'encombrement d'objet, la surconsommation va être une forme de charge mentale. Et du coup, je me suis dit que je rencontrais un peu ces trois enjeux: j'ai envie d'être un peu plus citoyenne, je suis un peu dans cette surconsommation inutile et c'est vrai qu'à force de voir mes placards avec des trucs qui traînent depuis des années…
Je me suis donc fixée l'objectif, qui n'est pas surhumain soyons clairs, de ne pas acheter de vêtement, aucun accessoire de mode pendant un an. Et c'est vrai que ce n'est quand même pas si simple. Je me suis donnée des étapes simples. J'ai d'abord tout sorti pour ne pas qu'il y ait des trucs cachés dans des coins, des boîtes, tout en haut d'un placard… J'ai réorganisé ma garde-robe de façon à avoir une vision de tout ce que j'ai pour qu'une fois en magasin on arrive à se dire 'Ah mais ça je l'ai déjà' et ainsi éviter de le racheter.
"Difficile d'aller faire les magasins sans acheter"
Il faut aussi prendre un peu de recul avec le geste de la consommation, mettre à distance cette envie d'acheter. Cela demande quand même des efforts. Faire les magasins sans rien acheter demande une prise de distance, des petites techniques pour ne pas recommencer. Ce qui est intéressant dans la vie quotidienne, c'est que je me suis rendue compte que pour des événements tels que les mariages je pouvais très bien ressortir une robe vieille de deux ans sans que personne ne s'en rende compte.
La difficulté, parce que ce sont des habitudes qui ont été prises, c'est d'aller faire les magasins sans acheter. Soit on n'y va plus du tout, ce qui est un peu tristounet car le shopping est une forme de loisir. Soit on n'y va sans argent sur soi, ou encore mieux c'est de se photographier avec un vêtement en cabine pour voir si on a le même genre chez soi avant de l'acheter. Mais ce défi, ce challenge ne me coupe pas du tout de la société. Même si je me coupe du plaisir à court terme, de ressortir du magasin contente de son nouveau jean, mais je pense que la gratification arrive à long terme. Car résister est une forme de gratification.
"Résister à la tentation"
Je n'ai pas impliqué ma famille dans ce challenge et je n'ai pas non plus surconsommé pour mes enfants. Il n'y a pas eu de compensation mais c'est vrai qu'acheter un vêtement pour quelqu'un, parce que c'est son anniversaire par exemple, est une façon détournée de consommer même si on sait que ce n'est pas pour soi.
J'ai commencé il y a six mois et que les prochaines grosses difficultés vont être les soldes et les courses de Noël. Mais je vais essayer de tenir bon, il faut résister à la tentation. J'ai envie de voir ce que cela donne jusqu'au bout. Ce que j'espère c'est que ça me donnera de nouvelles habitudes de consommation, de sortir du 'trop d'achats'."