Lobbying sur le glyphosate: "Certaines multinationales se croient tout permis à Bruxelles"
Face à des Etats membres toujours divisés sur le glyphosate, la Commission européenne va soumettre une nouvelle proposition jeudi, visant à renouveler pour cinq ans et non plus dix ans la licence de cet herbicide controversé. Mercredi matin sur RMC, Nicolas Hulot a défendu sa position: un renouvellement de licence de 3 ans maximum, ou alors la France votera contre. Le glyphosate, c'est l’herbicide le plus utilisé au monde, ingrédient actif du célèbre désherbant de Monsanto vendu sous le nom de Roundup.
En coulisse, les deux camps se livrent à une bataille acharnée pour tenter de convaincre l'opinion publique et les décideurs. Mais le combat semble inégal. Face aux ONG, le géant de l'agrochimie Monsanto bénéficie d'un lobby surpuissant. La firme a tissé un puissant réseau d'influences à Bruxelles. Un réseau tentaculaire qui tente par tous les moyens d'influencer parlementaires, fonctionnaires, scientifiques et journalistes.
"Une personne m'appelle et me demande si ma famille va bien"
Yann pensait que les coups de fil de menace, ça ne se passait que dans les films. C'est pourtant ce qui est arrivé à cet assistant parlementaire d'un député européen en pointe sur le dossier du glyphosate: "Je reçois un appel à 18h50 en revenant de session plénière à Strasbourg et cette personne me demande comment je vais et si ma famille va bien. J'ai demandé l'identité de cette personne qui n'a pas voulu la décliner. Cette personne a rappelé 3 jours plus tard, puis 5 jours plus tard. Ce sont des appels qui viennent des Etats-Unis. Je ne dis pas que ça peut être Monsanto, mais je ne dis pas le contraire non plus".
Et depuis cette série de coups de fil: "C'est difficile de ne pas devenir paranoïaque. On rentre le soir tard, dans la rue s'il y a quelqu'un qui nous suit de près, on va se retourner. C'est sûr que je suis content de ne pas avoir d'enfants sinon je serais fortement préoccupé. Ce sont des pratiques courantes de certaines multinationales qui se croient tout permis à Bruxelles".
"On ne fait pas le poids"
Car pour tenter d'influencer les décideurs, les défenseurs des pesticides engagent des moyens considérables. Monsanto emploie par exemple 4 cabinets de communication. La firme débourserait plus d'un million d'euros par an rien que pour le lobbying. Une puissance difficile à contrer pour les ONG comme celle de Martin Pigeon: "On ne fait pas le poids. Les moyens de lobbying sont aujourd'hui très importants et sans commune mesure avec quoi que ce soit que les ONG pourraient mobiliser".
Les lobbyistes de leur côté réfutent les accusations de pressions agressives. Graeme Taylor, qui travaille pour un lobby des pesticides estime tout simplement faire son travail: "On n'est pas les méchants Goliath contre le gentil David, c'est plutôt l'inverse. Nous, nous lançons la discussion sur le futur de notre agriculture, ce sont les ONG qui ne veulent pas débattre, elles veulent nous museler".
Des pressions que ces lobbies ont bien l'intention de continuer à exercer quelle que soit la décision européenne ce jeudi.