Panier anti-inflation: à chaque enseigne sa formule
Olivia Grégoire, la ministre du Commerce, voulait un panier anti-inflation national et uniforme comme en Grèce. Ce sera finalement à la carte. Chaque enseigne va faire comme elle l’entend. Une victoire pour la grande distribution qui, dans son ensemble, ne voulait pas que l’Etat lui impose un carcan. Une victoire obtenue en prenant juste l’engagement de mettre en place ses propres dispositif anti-inflation. Et encore, pas pour tous puisque Michel-Edouard Leclerc assure, pour le moment, que son groupement n’entend pas mettre en place d’offre spécifique.
Voilà donc, dans le détail, ce qu’ont annoncé les principaux groupes du secteur. Carrefour va amplifier ce que sa filiale en France avait déjà proposé en août dernier avec 200 produits marques propres à moins de 2 euros dont les prix seront bloqués pendant trois mois. Casino a, de son côté, annoncé un très gros chariot comprenant 500 produits à moins de 1 euro, avec, là encore, des prix bloqués du 15 mars au 15 juin sur des références des marques Casino et Leader Price ainsi qu’au rayon frais.
Le groupement Système U, qui avait dégainé le premier, propose depuis le 1er février un panier de 150 produits U à "prix coûtant" pour une durée indéterminée. Le terme "prix coûtant" signifiant pour les produits alimentaires, une marge minimale de 10% rendue obligatoire par la Loi Egalim.
Des offres centrées sur leurs propres marques
De son côté, Intermarché va mettre en avant 470 produits à marque propre ainsi que 30 produits vendus dans ses divers rayons frais (boucherie, poissonnerie, fruits et légumes...). Pas d’engagement spécifique de blocage des prix mais une campagne publicitaire autour de ce panier anti-inflation. Toutes ces enseignes communiqueront par ailleurs autour de leur offre avec un logo unique "trimestre anti-inflation" présenté ce lundi par Bruno Le Maire.
Une communication qui devrait avoir pour mérite d’inciter les consommateurs à comparer, puisque dans tous les dispositifs anti-inflation présentés, on note l'omniprésence des marques propres des distributeurs, MDD et "premiers prix", donc de produits sur lesquels les centrales d’achat de ces enseignes maîtrisent directement les prix.
Il n’y a pas eu avec les usines à qui elles passent commandes de grand rendez-vous annuel pour négocier de nouveaux tarifs, comme c’est le cas pour les marques nationales. Les hausses des coûts de production ont été intégrées au fil de l’eau, occasionnant d’ailleurs ces derniers mois des augmentations plus substantielles. De ce point de vue, s’engager sur des prix bloqués pour trois mois ne constitue pas un effort démesuré.
Les marques nationales seront les grandes perdantes
D’autant que la plupart des enseignes veulent désormais, dans chaque rayon, faire grandir la part de marché de leurs propres marques. Carrefour par exemple vise les 40%. Ce "trimestre anti-inflation" devrait d'ailleurs y contribuer, tant le contraste avec les prix des marques nationales sera flagrant puisque les industriels ont, eux, négocié des hausses importantes à compter de ce printemps.
Les supermarchés vont donc vendre davantage de produits de leurs propres marques, accentuant une tendance déjà nette en 2022. Selon l’institut Iri, l’an passé, la baisse des ventes en volume a été deux fois plus importante pour les marques nationales (-3,1%) que pour les MDD (-1,5%), tandis que les produits "premiers prix" connaissait un sursaut majeur (+7,4%).
Au final, la grande distribution devrait donc s’y retrouver même si Bruno Le Maire évoque une baisse de quelques centaines de millions d’euros de ses marges. Mais ce "trimestre anti-inflation" devrait surtout être l’occasion pour les consommateurs de se montrer très vigilants en comparant le plus souvent possible les prix. Tant dans les rayons –en moyenne un produit MDD coûtent 26% de moins qu’un produit de marque nationale- qu’entre enseignes, puisque les écarts de prix d’une chaîne de supermarché à l’autre ont atteint un niveau sans précédent: 35% de différence de prix entre la plus abordable et la plus chère des enseignes.
