Sébastien Bras renonce à ses trois étoiles au Michelin: "C'était devenu plus un frein qu'un moteur"

Le chef Sébastien Bras. - C. BOUSQUET
Sébastien Bras est le chef du restaurant Le Suquet depuis 10 ans. Situé au cœur de l'Aubrac, cet établissement a été lancé par son père Michel Bras dans les années 1990.
"C'est un choix de vie. Il y a des étapes dans la vie où on se pose des questions sur son parcours. J'ai eu trois grandes étapes professionnelles dans ma vie. La première a été l'ouverture du restaurant "Le Suquet" avec mes parents en 1992. Monter un restaurant gastronomique perdu au milieu de l'Aubrac, où il y a trois habitants au mètre carré, c'était un pari fou et insensé. Il y a eu des années terriblement difficiles.
"Maintenir le niveau a occasionné de la crainte et de la tension"
A la fin des années 1990, le guide Michelin a décidé de nous octroyer ce Graal qui est la 3e étoile. C'était la 2e étape importante dans ma vie. Pour mon père, c'était la récompense suprême dont rêve beaucoup de chefs. Maintenir le niveau a occasionné de la crainte et de la tension.
Enfin la 3e étape, c'était il y a 10 ans. Avec ma femme Véronique nous avons repris officiellement les rênes de l'entreprise. Il a d'abord fallu succéder à Michel Bras. Quand on connaît l'aura de mon père et son empreinte sur la profession, on se rend compte que c'est un challenge qui n'était pas gagné d'avance. Il fallait maintenir ces trois étoiles. On a accepté le défi, et 10 ans après, on l'a relevé.
"J'ai envie de continuer à vivre ma passion sans tension dans ma maison"
Aujourd'hui, j'ai 46 ans. J'ai envie de continuer le travail que nous avons lancé: partager ce territoire d'Aubrac, celui qui me voit vivre et m'épanouir. J'ai envie de continuer sur cette voie-là, mais avec une différence fondamentale: celle d'avoir l'esprit libre. Ce graal on a en a eu envie, on l'a eu, on l'a porté. Mais j'ai envie de continuer à vivre ma passion sereinement, sans tension dans ma maison.
C'est une décision qui a été longuement et mûrement réfléchit en famille. Ce n'est pas du tout un dénigrement du guide, loin de là. Si on en est là aujourd'hui, on le doit pour partie au guide Michelin. Mais j'ai envie de me mettre hors compétition tout en gardant cette excellence et la réputation de la maison. Le guide a le mérite d'exister, c'est une référence incontournable. Mais pour moi, quand il devient plus un frein qu'un moteur, il faut passer à autre chose. J'ai envie d'une vie qui soit en adéquation avec mes aspirations.
Il n'y a pas de 4e étoile. Quand on est au sommet, on y pense. Ce qui me rassure, c'est quand je lis dans le Guide Michelin qu'un restaurant trois étoiles est "une table qui vaut le voyage". Malgré notre situation géographique très défavorable, j'ai un restaurant complet midi et soir. J'ai une centaine de clients et d'hôtes qui font le voyage pour venir déguster un coin d'Aubrac. C'est la plus grande de mes fiertés, et j'ai envie de continuer dans ce sens-là".