"On avait sous-estimé le problème": des joueurs refusent de soutenir la lutte contre l’homophobie

Toulouse, Nantes, Guingamp… Plusieurs clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 ont vu certains de leurs joueurs refuser de participer à l’opération de soutien à la lutte contre l’homophobie, organisée ce week-end par la LFP en amont de la journée mondiale contre l'homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie (17 mai). Eric Roy, l’entraîneur de Brest, a lui regretté le timing de cette journée spéciale, en pleine lutte pour le maintien. "On s’y attendait, et je m’attendais même à pire. Beaucoup de joueurs ne souhaitent pas jouer", explique Yoann Lemaire, fondateur de l'association Foot Ensemble, dans "Apolline Matin" ce lundi sur RMC et RMC Story.
"Pour avoir été beaucoup dans les centres de formation cette année pour parler d’homophobie, et aussi auprès des joueurs professionnels, on avait sous-estimé le problème, assure Yoann Lemaire. Il y a beaucoup plus de joueurs qu’on ne le pense qui ne veulent pas jouer avec ce maillot. On ne va pas se mentir, il y a un problème. C’est très compliqué de parler de ce sujet. Le conservatisme religieux monte depuis des années. C’est de pire en pire, c’est un vrai sujet qu’il faudra traiter. ‘C’est interdit à cause de ma religion, pour ma religion’, ça on l’entend de plus en plus. Il y a aussi l’argument ‘je ne veux pas qu’on m’impose, laissez-moi choisir les causes que je défends’. Et il y a aussi l’entraîneur de Brest qui a dit vraiment n’importe quoi."
"Il y a des moments où ils ne maitrisent pas la religion et disent un peu n’importe quoi"
Dans les clubs, face aux joueurs, Yoann Lemaire entend souvent des explications liées à la religion. Il s’appuie donc sur des théologiens pour répondre aux incompréhensions. "En 2023, on est obligé de travailler avec des théologiens pour parler d’homophobie dans le football. Alors qu’il y a quelques années en arrière, non. Les joueurs sont assez bavards sur le sujet, ils ont envie de dire les choses. Ils disent tout de suite: ‘Ma religion dit ça, ma religion condamne ça…’. Il y a des moments où ils ne la maitrisent pas (la religion) et disent un peu n’importe quoi. Donc vous êtes obligé de prendre des cours ou faire venir des théologiens pour dire que non. Il y a quelques années, on parlait de laïcité, d’ouverture d’esprit, d’acception des différences. Là, c’est plus compliqué… Même pour la Bible, avec les évangélistes, on me dit que c’est Adam et Eve et pas deux Adam, que la Bible condamne. On est obligé de discuter avec eux. Et ça leur plait, parce qu’ils voient qu’on s’intéresse à eux."
Dans ce contexte, un joueur pourrait-il faire son coming-out sans crainte dans les vestiaires? "A chaque fois, ils me disent oui, indique Yoann Lemaire. Mais que ce ne sera pas simple, qu’il aura beaucoup à perdre, avec le regard des autres, peut-être le regard d’un coéquipier homophobe qui ne voudra pas prendre sa douche avec lui… Les douches, ça revient systématiquement. La peur d’être une proie, de se faire draguer, de plaire. Mais je pense que le sujet est assez mûr. Médiatiquement, on en parle. Les clubs en parlent. L’opinion publique est prête. Je dis aux joueurs, le problème c’est vous les gars. A la fin (de l’intervention), ils me disent que c’est privé, que c’est sa sexualité, sa vie. Donc là on recommence à zéro."