2012 : Chirac votera-t-il Hollande ?

En pleine visite du musée de Sarran, en Corrèze samedi, Jacques Chirac a annoncé son intention de voter pour François Hollande. Avant de faire volte-face et de parler "d'humour Corrézien". Alors comment faut-il l’interpréter ? Sincérité, humour, maladresse ?
Le plus simple c’est déjà de vous faire vous-même une idée : « J’ai beaucoup d’estime pour François [ndlr, Hollande], a dit Jacques Chirac ce samedi à Sarran, en Corrèze. Maintenant je peux en parler. Lui c’est l’avenir parce qu’il va être candidat. Je voterai pour lui certainement. Sauf si Juppé est là. Parce que j’aime bien Juppé. Mais comme il n’ira pas, par conséquent je voterai pour vous. »
« Vous allez vous faire entendre », lui répond Hollande. Mais Chirac insiste : « Je peux dire que je voterai Hollande ! »
Pour moi c’est très clair. C’est articulé. On le voit bien sur les images. Il le confie d’abord à François Hollande. Branle-bas de combat de l’entourage, on tire Chirac du coude, on le réprimande presque. Et Jacques Chirac revient à l’assaut, énervé qu’on lui fasse la leçon : « Je dis ce que je veux ». Et il se tourne vers François Hollande : « Je peux dire que je voterai Hollande ». Le plus triste, c’est ce qui vient après. Le lendemain. Un communiqué où Jacques Chirac explique qu’il faisait de « l’humour corrézien ». Un communiqué rédigé avec l’aide de Claude Chirac, sa fille, après plusieurs coups de fil de l’Elysée. Deux coups de fil notamment entre le secrétaire général Xavier Musca et l’ancien secrétaire général de l’Elysée, sous l’ère Chirac, Frédéric Salat-Baroux, désormais gendre de Jacques Chirac. Vous imaginez l’ambiance hier midi autour du gigot ou du rosbeef familial… Une Bernadette Chirac, fervente supportrice de Nicolas Sarkozy, excédée face à la liberté de ton de son mari, une fille rédigeant le communiqué et un gendre jouant les juges de paix et les ambassadeurs avec l’Elysée… Pauvre Jacques Chirac.
Il ne s’agit pas d’humour, ni de sénilité ?
Non, juste de la franchise. Il suffit de lire le deuxième tome des Mémoires de Jacques Chirac dont nous parlions la semaine dernière, pour comprendre ce qu’on savait déjà. Jacques Chirac n’a ni confiance, ni estime pour Nicolas Sarkozy. En 2007 il a été loyal à sa majorité et placé devant le fait accompli par le candidat Sarkozy. Désormais il est libre Jacques. Libre même s’il s’est fait disputer hier comme un petit garçon.
D’ailleurs, est-ce vraiment un cadeau à François Hollande ?
Oui sans aucun doute. Alors évidemment dans le camp socialiste ce n’est pas forcément un avantage d’avoir l’appui de Jacques Chirac… Mais on l’a vu hier, ses rivaux socialistes n’ont pas enfoncé le clou. Au contraire, Ségolène Royal a même incité Jacques Chirac à voter aux primaires socialistes. Et une voix de plus pour François Hollande !
En revanche, à droite la phrase de Jacques Chirac est importante. La popularité de l’ancien président est énorme dans l’électorat de droite. Il faisait encore la Une du Figaro ce week-end ; c’est pour dire ! Une partie de l’électorat de droite est déstabilisée et déçue par Nicolas Sarkozy. Jacques Chirac vient de les décomplexer et de les déculpabiliser pour 2007. Alors vous me direz, c’est trop tôt. C’est dans un an. Oui mais non. Les primaires socialistes c’est demain. La campagne est déjà engagée. Et avant les primaires en octobre, il y a… les sondages. La victoire, avant le vote, se fera dans l’opinion. Le champion des sondages, celui qui peut vaincre Sarkozy sera le gagnant des primaires. Et le coup de pouce de Jacques Chirac, auprès de l’électorat de droite, peut faire de François Hollande le champion incontesté. Et Jacques Chirac le sait. Il reste un très grand tacticien politique. Déjà avant le coup de pouce de Chirac, Hollande trônait à 26% au premier tour, quand Aubry ne faisait que 23%. Demain on pourra mesurer l’effet Chirac.
Ecoutez ci-dessous « Les coulisses de la politique » de ce Lundi 13 juin 2011 avec Christophe Jakubyszyn et Jean-Jacques Bourdin :
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