41.000 décès par an liés à l'alcool: faut-il s'attaquer aux prix?
Les Grandes Gueules sont revenues ce mardi sur le dernier rapport de l'agence Santé Publique France qui explique que l'alcool reste la deuxième cause de mortalité évitable en France derrière le tabac.
L'alcool bientôt tabou comme le tabac ? La consommation d'alcool est responsable d'environ 41.000 décès par an en France, selon une estimation rendue publique mardi par Santé publique France, un impact sanitaire en baisse mais encore "considérable".
L'alcool reste ainsi la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac, avec 7% du nombre total de décès de personnes âgées d'au moins 15 ans en 2015. La précédente estimation de ce type, fondée sur des chiffres de 2009, avait évalué à 49.000 le nombre de décès dus à l'alcool, soit 9% du total.
Un "fardeau sanitaire" plus lourd que chez les pays voisins, soulignent les auteurs, même si la comparaison est "délicate", du fait de méthodes statistiques différentes. En Ecosse, l'alcool causerait ainsi 6,8% des décès chez les hommes et 3,3% chez les femmes, en Suisse, 5% et 1,4% respectivement, et en Italie, 3% et 2%.
"C’est 10% des personnes qui ont un problème avec l’alcool je ne vois pas pourquoi on taxerait les autres"
Mais faut-il pour autant taxer l'alcool plus sévèrement comme le réclament certaines associations de lutte contre les addictions ? Les Grandes Gueules n'en sont pas forcément convaincues.
"C’est vraiment n’importe quoi. On se fout de nous, c’est 10% des personnes qui ont un problème avec l’alcool je ne vois pas pourquoi on taxerait les autres. C’est encore un prétexte à prendre du fric à l’ensemble des gens. L’addiction est un problème psychologique et n’a rien à voir avec le produit en tant que tel. Il faut s’attaquer à ceux qui abusent", estime Zohra Bitan, cadre dans la fonction publique.
Le cheminot Anasse Kazib remarque quant à lui qu'augmenter le prix, "ça pousse à aller chercher de la merde", posant des questions de santé publique.
"Ce qui pose problème ce sont les vins peu chers, des vins bus par les grands dépendants. La question du prix minimum est un facteur important"
Michel Reynaud, médecin addictologue, invité des Grandes Gueules, confirme d'ailleurs que ce sont les alcools les plus "discount" qui posent problème.
"Ce qui pose problème ce sont les vins peu chers, des vins bus par les grands dépendants. La question du prix minimum de l’alcool est un facteur important pour diminuer les consommations. Augmenter le prix et augmenter la qualité, ne pas avoir des cubis à moins d’un euro le litre. Pareil pour la vodka. 10% des Français achètent 58% de l’alcool. 20% des Français achètent 80% de l’alcool vend. Ils font la richesse de la filière ont des risques pour eux mêmes et les autres (cancers, cirrhoses, accidents, violences…)."
"Le travail du lobby alcoolier marche"
Selon Michel Reynaud, il y a un exemple à prendre: celui de la lutte contre les dangers du tabac.
"En France la politique concernant le tabac marche bien. La dénormalisation de la consommation, le paquet neutre, le prix, l’interdiction de la pub... Mais pour l’alcool rien n’est fait. Donc ça ne marche pas. Depuis cinq ans les consommations restent les mêmes alors qu’elles diminuaient depuis 40 ans. Le travail du lobby alcoolier marche. De nouvelles populations sont ciblées: les jeunes et les femmes. La mortalité reste très élevée, la France est le deuxième pays d’Europe."
Zohra Bitan estime qu’il faudrait surtout mettre l’accent sur l’accompagnement psychologique sur les personnes qui consomment de façon excessive.
"Ca coûte plus cher de soigner une personne malade que de mettre en place une stratégie de prévention en amont", répond l'addictologue qui a encore beaucoup de travail à faire pour que son idée de "dénormaliser" fasse son chemin.
Votre opinion