A Sivens, sur le site du barrage, la tension est retombée mais pas la colère

DROIT DE SUITE - Chaque matin retour sur un sujet, un personnage, un lieu qui a marqué l'actualité de ces derniers mois. Ce lundi, RMC est retourné sur le site de Sivens, dans le Tarn, où un opposant à la construction d'un barrage a perdu la vie le 26 octobre dernier.
Il y a presque un an, des militants écologistes s’étaient mobilisés pour dire non à la construction du barrage de Sivens dans le département du Tarn. Ceux qui se nomment eux-même zadistes (de ZAD, zone à défendre, dont la première a vu le jour à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, pour contester le projet d'aéroport) s’étaient installés sur le site pour empêcher l’avancée des tractopelles.
La nuit du 26 octobre 2014, un drame précipite les événements et attire l'attention du grand public sur ce projet de barrage. Pendant une manifestation qui tourne mal, le jeune militant Rémi Fraisse est tué sur le coup par une grenade offensive lancée par un gendarme. Après cette tragédie, les travaux sont stoppés et le 7 mars dernier, les élus du conseil départemental du Tarn abandonnent l'idée d'un barrage et votent alors pour un nouveau projet : une retenue d’eau qui sera plus petite. Les zadistes eux, sont au même moment expulsés du site.
"Les terres qui étaient occupées par les zadistes sont interdites d'accès"
Quatre mois après, la nature a repris ses droits sur le site du projet initial, aujourd'hui désert. Des herbes folles ont poussé sur des monticules de terres. Le silence est impressionnant. Il faut dire que tout le périmètre est bouclé par les autorités. "Les terres qui étaient occupées par les zadistes sont maintenant interdites d'accès par le Conseil général du Tarn, ainsi que la route soi-disant fermée par les zadistes", peste Pierre Lacoste, qui n’a toujours pas récupéré ses huit hectares de terres qui devaient servir au barrage. "La forêt toute entière est interdite par le Conseil général. Ça fait 3 ou 4 mois que ça durent, et rien n'avance", déplore-t-il.
Si le site est désormais désert, les agriculteurs qui étaient favorables au projet redoutent toujours le retour des zadistes qui ont occupé leurs terres pendant de longs mois. "Aujourd'hui ils essaient de se réimplanter, assure Laurent Viguié, secrétaire général de la FDSEA du Tarn. Les gendarmes les surveillent de près". "La tension est retombée mais la vallée n'a pas retrouvé tout son calme. Il ne se passe pas une semaine sans que les forces de l'ordre en attrape un ou deux qui essaient de rétablir un camp. Ce n'est pas normal, puisqu'ils (les zadistes) prônent la démocratie, ils feraient mieux de la respecter eux-mêmes".
"On va continuer à faire la guerre comme ça pendant 30 ans ?"
Si des zadistes continuent de vouloir réinvestir le site, c'est parce que le projet alternatif décidé en mars dernier par le conseil départemental du Tarn, un projet moins ambitieux avec une retenue redimensionnée dans la vallée du Tescou, ne les convainc pas non plus. Comme Christian Pince, membre d’un collectif anti-barrage, ils ne sont pas convaincus par cette nouvelle proposition et réclame d'être entendus. "Il faudrait qu'il y ait enfin un dialogue, puisque ça fait quatre ans qu'on le. Il faudrait pouvoir discuter sur le fond. S'il n'y a pas de dialogue, c'est la guerre. On va continuer à faire la guerre comme ça pendant 20 ans, 30 ans ? Ce n'est pas possible".
Les agriculteurs locaux, eux, estiment que la réalisation de cette retenue est vitale pour la vallée. C'est en tout cas le sentiment de l'agricultrice Pascale Puybasset. Un avis appuyé par la météo et la sécheresse de ces dernières semaines. "Aujourd'hui on a la confirmation de tout ce qu'on dit depuis des années, à savoir qu'il y a un risque avérée pour nos cultures. Gérer les risques, c'est savoir anticiper et ne pas passer 107 ans à tourner autour du pot. On n'a pas perdu, mais ça va prendre du temps. Encore". Car pro et anti-barrage le savent, le projet alternatif ne verra pas le jour avant au moins trois ans.