Attaque à Viry-Châtillon: Mariée à un policier, "j’ai peur mais je ne le dis pas à mes enfants"

Après l’attaque au cocktail Molotov contre des policiers à Viry-Châtillon, l’émotion n’est pas prête de retomber alors que les syndicats de police ont entamé une "grève du zèle". Mais la situation est aussi extrêmement difficile à vivre pour les conjoints ou conjointes des agents des forces de l’ordre.
Karine, 38 ans, est mariée à un CRS et vit en Normandie.
"On est déjà inquiet tous les jours, et avec les derniers évènements, on l’est encore plus. On se demande si les policiers peuvent exercer leur travail sans être mis en danger. A Viry-Châtillon, il ne s’agissait pas simplement de faire faiblir la police. On avait clairement envie de tuer des policiers. Mettre des cocktails molotov au pied des conducteurs pour qu’ils n’aient aucun moyen de s’échapper, c’est vouloir tuer. Quand j’entends le ministre de l’Intérieur qui les traite juste de «sauvageons», non, ça va au-delà de ça. Ce sont des meurtriers, ils ont voulu tuer des flics.
"Même en allant chercher les enfants il faut être prudent"
Mon angoisse est quotidienne. Mon mari est CRS, il fait des gardes statiques, c’est une cible sur pieds. On a quatre enfants en bas âge, l’aînée à 8 ans, la petite dernière deux ans et demi. La plus grande a conscience de ce qui se passe. Elle a peur, elle a vécu les attentats parce qu’il y était. Quand il part travailler, on ne voit pas ses chaussures de sécurité, on ne voit pas son pantalon. Parce que même en allant cherche les enfants il faut être prudent. Donc oui, je le laisse aller travailler, mais avec la peur au ventre, il faut dire ce qui est.
J’ai eu envie de lui demander d’arrêter. Quand je dis ça, les larmes me viennent aux yeux. Mais il a un tel amour de ce métier que je ne peux pas lui demander de faire autrement. Quand on a été militaire pendant plus de 15 ans et qu’on s’est reconverti dans la police nationale, on a envie de défendre les valeurs de la France. On a envie de protéger son pays et ses habitants. Mais j’aimerais bien lui demander de rester dans un bureau. J’essaie de ne pas y penser, sinon je ne partirais pas travailler, je serais angoissée tout le temps. Alors oui, j’ai peur. Mais je ne le dis pas à mes enfants.
"On est face à nous-même"
Je pense aux proches du policier blessé ce week-end. Je n’ose pas imaginer dans quel état ils sont. Je ne veux pas me mettre à leur place. Il faut protéger notre police. Il faut que les gens sachent dire qu’on en a besoin. C’est bien beau de dire qu’on est contents d’avoir nos policiers pendant les attentats, mais il faut des accidents graves de la vie pour se dire qu’on a besoin d’eux.
Nos maris ne demandent pas d’aide. C’est typiquement masculin. Et quand ils en demandent c’est qu’ils sont déjà arrivés trop loin. On n’est pas plus soutenus que ça. Il y a des psychologues, des assistantes sociales, mais on est face à nous-même. On n’ose pas demander de l’aide, on fait comme on peut, seuls"