Attention, Mohamed Merah peut encore faire du mal !

Après la mort du tueur de Montauban et de Toulouse, des questions sont posées sur le travail de la police et des services de renseignements. Attention, même mort, Mohamed Merah peut encore faire du mal…
C’est l’une des faiblesses de nos démocraties face au terrorisme que de poser toutes les questions qui doivent l’être après une tragédie de ce type. C’est normal de s’interroger sur l’efficacité des services de sécurité quand sept personnes sont tuées ; et de se demander si la mort du terroriste aurait pu être évitée. Mais par respect pour les victimes et pour les policiers qui ont risqué leur peau en essayant d’arrêter ce tueur, on devrait s’épargner des polémiques indignes. Donc les questions, oui ; les insinuations, le dénigrement, non. Le but du terrorisme, c’est de provoquer la déstabilisation. Il faut veiller à ce que, même mort, Mohamed Merah ne parvienne pas à ses fins.
Mais est-ce que ce n’est pas simplement l’effet de la campagne présidentielle qui avive ces polémiques ?
C’est une raison mais ce n’est pas une excuse. Les images d’unité nationale qu’on a vues ces derniers jours étaient poignantes parce que, au-delà du drame, elles avaient quelque chose de rassurant pour la démocratie. Ce qui se passe depuis l’épilogue d’hier et la mort du tueur, avec des invectives politiciennes dans tous les sens, donne le sentiment que ce consensus était totalement factice – et en tout cas très lourd à porY a-t-il un risque d’une radicalisation du débat sur la sécurité et sur l’immigration ? ter pour les candidats. Nous sommes bien vite passés des oraisons à la déraison. Mohamed Merah n’a pas réussi à mettre « la France à genoux ». Il semble qu’il ait réussi à faire perdre la tête à beaucoup de nos dirigeants politiques. Et peut-être à une partie de l’opinion.
Y a-t-il un risque d’une radicalisation du débat sur la sécurité et sur l’immigration ?
Oui. Parce que le FN va beaucoup souligner que le tueur était d’origine immigrée et musulman et s’efforcer de faire oublier qu’il y avait aussi des musulmans d’origine immigrée parmi ses victimes. Et ce qu’on entrevoit derrière les polémiques sur le rôle de la police aussi, c’est le risque d’une escalade sécuritaire. Si nous avons des services antiterroristes très efficaces – et c’est le cas – c’est qu’il existe déjà en France une législation très dure, qui permet d’agir de façon préventive : d’arrêter des suspects avant qu’ils soient passés à l’acte. On peut regretter que ça n’ait pas été le cas à Toulouse – et il faudra comprendre pourquoi. Mais il serait dangereux que les candidats se lancent dans la surenchère électoraliste et qu’on aboutisse à un résultat qui serait un recul des libertés.
C’est le cas des mesures annoncées jeudi par Nicolas Sarkozy ?
Je pense qu’il est juridiquement très discutable d’instaurer des poursuites pénales contre quelqu’un qui est allé s’entraîner au maniement des armes au Pakistan ou ailleurs mais qui n’a ni commis ni préparé d’attentat – et a fortiori contre quelqu’un qui s’est contenté de visiter un site Internet. Je pense aussi qu’il est moralement, philosophiquement périlleux d’espérer une société dans laquelle la simple intention violente serait un délit. Ce serait une société dominée par le soupçon et la défiance. La répression ne peut pas tout : contre le fanatisme, les appels à la tolérance lancés cette semaine par les représentants juifs et musulmans sont au moins aussi efficaces que les incantations sécuritaires.
Votre opinion