Faut-il nationaliser temporairement les entreprises en difficulté?
Le vice-président du Front national (FN) Florian Philippot et le secrétaire général du parti Nicolas Bay ont évoqué jeudi l'hypothèse d'une "prise de participation" de l'Etat pour éviter la fermeture de l'usine Whirlpool d'Amiens, où s'est rendue mercredi Marine Le Pen. Mais le principe de la nationalisation temporaire fait débat au sein de la classe politique française.

POUR - Yann Galut, député socialiste de la troisième circonscription du Cher:
"Je fais partie de ces hommes politiques qui considèrent que l'Etat peut avoir un rôle à jouer dans l'économie. D'ailleurs, si certaines entreprises n'avaient pas été nationalisées, ou avec une participation nationale, l'industrie française n'aurait pas produit Airbus. Il faut donc aussi considérer que l'Etat peut avoir un rôle important d'actionnaire. C'est un principe général qui fait que les grandes entreprises françaises se sont aussi construites avec une intervention de l'Etat.
De plus, je pense que, dans certains secteurs, l'Etat, au regard de l'économie ouverte et de l'évolution de celle-ci, peut et, parfois, doit prendre ses responsabilités et nationaliser, partiellement ou totalement, pour répondre aux failles du marché. Par exemple, quand des entreprises françaises ou européennes risquent de passer sous capitaux étrangers, je considère que l'Etat se doit d'intervenir. Et c'est d'ailleurs prévu depuis 2014 lorsque Arnaud Montebourg a pris un décret qui permet à l'Etat, dans certains secteurs stratégiques, comme c'est le cas dans d'autres pays, d'intervenir et de nationaliser pour sauver certaines industries.
"Il faut se garder l'arme de la nationalisation partielle"
On se rend aussi compte que les pays qui gagnent dans la mondialisation sont ceux qui n'hésitent pas à nationaliser. Il y a en effet des secteurs où la nationalisation permet de sauvegarder des emplois, un savoir-faire et de renégocier par rapport à d'autres pays qui ne respectent pas les règles internationales. Contrairement à ce que disent les ultra-libéraux, il faut se garder l'arme de la nationalisation partielle et ne pas tomber dans le tout libéralisme. De toute façon, il y aura toujours des pays qui seront encore plus libéraux que nous.
Si les nationalisations ne doivent absolument pas être systématique, elles permettent aussi de faire face à des situations absurdes, comme dans le cas de STX, où l'on a des entreprises rentables, dont le carnet de commande est plein, mais sous la menace de prédateurs. Il y a donc un intérêt économique et social à ce que l'on puisse contrôler ces entreprises".

CONTRE – Hervé Novelli, ancien secrétaire d'Etat chargé notamment du Commerce, de l'Artisanat et des PME, actuel maire Les Républicains de Richelieu (Indre-et-Loire):
"Je ne suis pas favorable à ce type de position. L'Etat doit imposer un cadre de régulation pour que la concurrence puisse s'exercer. Lorsqu'une entreprise a des difficultés, le sujet est plutôt de voir comment d'autres entreprises peuvent, soit en prendre le contrôle, soit ne pas le faire. Lorsque l'Etat impose une nationalisation, cela veut dire qu'il n'y a pas d'autres solutions évidentes. Et le risque lorsque l'on fait cela, c'est de se retrouver avec des entreprises qui deviennent des entreprises d'Etat et qui pèsent sur le budget de notre pays. La réalité est que nous n'avons pas les moyens de faire cela. Nous n'avons pas les moyens d'avoir une politique globale qui consisterait, pour toutes entreprises en difficulté, à nationaliser même temporairement.
Lorsque tous les ans, on affiche un déficit du budget de l'Etat de l'ordre de 50 milliards d'euros, lorsque l'on a un endettement autour de 2.200 milliards d'euros, on ne peut pas supporter toutes les difficultés économiques. Dans le champ économique, le rôle de l'Etat est de poser un cadre, de faire en sorte que la concurrence soit loyale, d'imposer des règles qui permettent à chacune des entreprises du pays de pouvoir se développer. Mais son rôle n'est pas de nationaliser, même temporairement, car c'est souvent un aveu d'impuissance.
L'argument de la nationalisation temporaire est court-termiste"
On fait souvent référence au cas Alstom en disant que cette nationalisation a pu être bénéfique. Mais quand on voit aujourd'hui le démantèlement de cette entreprise, on peut se demander si, en 2005, quand le cas s'est posé, on aurait mieux fait de regarder de plus près l'offre de Siemens. A cette époque, on aurait peut-être pu bâtir un champion européen. Faute de cela, on a assombri l'avenir. Et on en voit les résultats aujourd'hui, puisque Alstom est finalement devenue une entreprise américaine.
L'argument de la nationalisation temporaire est court-termiste. Il cache une impuissance et, pour des raisons politiques, vise à montrer que l'Etat a une solution. En fait, il n'en a pas. Sur le principe, je ne suis pas favorable à cette méthode. Il peut y avoir une exception mais en faire une règle est, pour moi, un non-sens."