Le gouvernement a-t-il raison de vouloir la sélection à l'université?
Edouard Philippe a annoncé la sélection à l'entrée à l'université pour la rentrée 2018. Chaque université affichera les prérequis (compétences minimales) nécessaires pour intégrer ses filières. Une bonne mesure? RMC.fr a posé la question à Olivier Vial, président du syndicat étudiant UNI, et à Lilâ Le Bas, présidente du syndicat étudiant UNEF.

Oui, selon Olivier Vial, président du syndicat étudiant UNI et chercheur au CERU - Centre d’études et de recherches Universitaires.
"A l'UNI, (Union nationale Inter-universitaires) on a toujours été favorable à une forme de sélection qui soit organisée et transparente. Il y a toujours eu une sélection à l'université: soit par l'échec, soit par tirage au sort. La sélection, on la retrouve de toute façon à un moment donné dans le cursus, donc il vaut mieux qu'elle soit organisée au bon moment et dans de bonnes conditions. Il y a une opportunité de pouvoir enfin le faire.
C'est l'absence de sélection qui accroît les mauvaises orientations, qui fait qu'ensuite on a plus de 60% d'échecs en licence. Un taux d'échec qui monte à 98% pour les bacheliers issus de la filière professionnelle ! C'est de la fausse générosité. L'université n'est pas faite pour eux, et leur dire clairement que ce n'est pas pour eux dès l'entrée, c'est plus généreux que de leur dire 'venez' en sachant qu'ils vont se planter.
Aujourd'hui, c'est la sélection par l'échec
L'objectif de l'université n'est pas d'accueillir tout le monde. L'objectif c'est que tous ceux qui entrent à l'université puissent avoir un diplôme pour se diriger vers des carrières de recherche, ou trouver un emploi à la fin. Depuis 2012 et la loi sur l'autonomie des universités, on a gravé dans le marbre que l'université doit permettre aux étudiants de trouver un emploi.
Il faut savoir que près de 8 bacheliers sur 10 font de toute façon le choix d'une filière sélective. Ils savent très bien qu'une filière sélective, cela veut dire plus de chances de réussite et d'insertion professionnelle. Des filières sélectives, il n'y en a pas assez. Les bacheliers se retrouvent dans des choix par défaut et dans des filières universitaires qui sont pour beaucoup d'entre elles des filières parkings. Les prérequis sont nécessaires, car on ne peut pas réussir dans la même façon des études de droit, de sciences ou de médecine... Si vous n'avez pas les prérequis pour aller dans telle ou telle filière, cela ne sert à rien d'y aller puisque c'est aller droit vers l'échec."
Lilâ Le Bas, présidente de l'Unef, et étudiante en Master d'Action Publique à l’Université Paris-Est Créteil Val de Marne (ex Paris 12).
"A l'UNEF (l'Union Nationale des Etudiants de France), nous sommes opposés à tout dispositif qui viserait à écarter ou trier des étudiants à l'entrée de l'université. Cela dédouanerait l'université de sa responsabilité de faire réussir chaque étudiant, dont c'est en partie la mission. Aujourd'hui le budget des universités est loin d'être suffisant face à un nombre de bacheliers en constante augmentation. Ce n'est pas une surprise, c'est lié au boom démographique. Certaines universités font même le choix de restreindre le nombre de places en première année, ce qui crée des embouteillages dans certaines filières et des conditions de réussite de plus en plus compliquées. La sélection n'a jamais fait réussir personne, à part peut-être toujours les mêmes.
Avec la sélection, on ne prendra que ceux qui ont déjà le capital social, les éléments culturels et les codes de l'université pour y réussir. Ce n'est pas, selon moi, le rôle du service public de l'enseignement supérieur. Son rôle, c'est justement de pouvoir former une génération, quelle que soit son origine sociale et géographique et permettre à chacun d'avoir accès à des qualifications et à un diplôme. Sinon on va toujours former les mêmes jeunes, en laissant au bord de la route toujours les mêmes. Que va-t-on en faire? On ne répond jamais à cette question quand on évoque la sélection à l'université.
"Que va-t-on faire des recalés?"
Evidemment, il y a 6 étudiants sur 10 qui échouent en première année. Mais on prend le problème à l'envers: la question c'est comment on leur donne les moyens de réussir, et non pas comment on les écarte. Si on ne prend que ceux qui ont eu la mention très bien au bac, forcément ils réussiront.
Plutôt que d'instaurer la sélection à l'entrée, il faut réfléchir à la façon d'augmenter les moyens et les places à l'université pour permettre à une génération d'être mieux formée et plus diplômée. En réduisant l'accès aux universités, on va créer un manque de jeunes diplômés pour occuper les emplois qualifiés qui sont de plus en plus nombreux."