Le capitalisme préfère-t-il la dictature ?

Le capitalisme s'accommode de la dictature. En Tunisie, la démocratie est encore fragile puisqu'elle dépend du soutien de l'armée. Et la situation économique est très inquiétante. On peut comprendre que la France ne veuille pas se mêler de l'avenir politique du pays - à part approuver la démocratie, on ne voit d'ailleurs pas ce que Nicolas Sarkozy pourrait faire de plus. En revanche, je ne vois pas ce qui l'empêchait d'offrir le soutien de la France à l'économie tunisienne. Il ne l'a pas fait - ou alors du bout des lèvres. Et là, on est obligé de se demander pourquoi.
Il est difficile de soutenir que la France défend les droits de l'homme partout sauf dans les pays liés à la France par l'histoire. Au demeurant, Nicolas Sarkozy s'est montré moins "réservé" avec la Côte d'Ivoire. Donc on peut regretter qu'il n'ait pas trouvé de mots pour dire que la France offrira sa garantie, et même qu'elle prêtera au nouvel État tunisien - quand il sera vraiment en place - l'argent dont il aura besoin pour relancer l'activité économique. Il s'est passé quelque chose d'incroyable la semaine dernière : deux grandes agences de notation ont baissé la note de la Tunisie, c'est-à-dire qu'elles ont jugé que la capacité du pays à rembourser ses dettes avait diminué avec la chute de Ben Ali. La conséquence, c'est que la Tunisie va devoir emprunter sur les marchés financiers à des taux d'intérêt plus élevés. La démocratie part donc avec un handicap. Et ça, c'est inacceptable !
Le cynisme du capitalisme financier
Tout est là : ces agences ne raisonnent que d'un "strict point de vue financier". On l'a vu au moment de la crise des subprimes : tous les placements les plus toxiques avaient reçu des notes excellentes. Sur le papier, tout était parfait, mais ce n'était que du papier ! Les mêmes agences - que Nicolas Sarkozy a dénoncées mille fois - ne jurent que par la Russie et la Chine, mais il est vrai que ce ne sont pas des pays qui sont menacés par "l'instabilité politique". Dans le cas de la Tunisie, on peut donc bien conclure que le capitalisme mondial - à travers les agences de notation - affirme clairement, et cyniquement, qu'il aurait préféré que la dictature reste en place. On aurait aimé entendre Nicolas Sarkozy dire, au nom de la France, qu'il ne partage pas cet avis.
Peut-être que, grâce à la présidence du G20, la France va retrouver sa voix. Certes, au G20 on ne parle pas de démocratie mais de capitalisme. Et on a compris que ce sont deux choses différentes. Mais, comme on y parle beaucoup de régulation, peut-être que Nicolas Sarkozy pourrait contribuer à ce que les États décident de réguler la finance par la démocratie. Ce serait une belle revanche pour les Tunisiens. S'il y avait des agences de notation pour l'honneur en politique, la France pourrait retrouver la moyenne.
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