Charte de l’islam: pourquoi l’unité des musulmans de France est en train de voler en éclats

EXPLIQUEZ-NOUS - L’unité des musulmans de France est en train de voler en éclat autour de la charte de l’islam. Trois fédérations viennent de se retirer du conseil Français du culte musulman.
On croyait signée la fameuse charte de l’islam de France. Lundi, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohamed Moussaoui s’était rendu à l’Elysée. Mardi matin, il était dans ce studio et il saluait une avancée historique.
Sauf que depuis, sur les 9 fédérations qui composent le CFCM, quatre ont fait savoir qu’elles ne signaient pas le texte. Et trois ont même claqué la porte.
Résultat: il apparaît au grand jour que les instances musulmanes sont divisées, et qu'il n’y a pas de consensus autour de ce texte. L'édifice initié par Emmanuel Macron ne s’est pas encore effondré, mais il est très fissuré.
Que contient cette charte?
La charte n’a pas été dictée par les autorités françaises, mais presque. Disons que le gouvernement a exercé une forte pression sur le CFCM pour aboutir à ce texte. Il s’agit d’un code de bonne conduite, une déclaration d'adhésion au valeur de la République. La charte dénonce l’Islam politique, interdit l'ingérence de pays étrangers, réaffirme que l’Islam est compatible avec les lois et la laïcité française et qu’il il respecte, par exemple, l’égalité homme femme. Ou la liberté d'abandonner sa religion.
Parmi les fédérations qui refusent de signer le texte, deux sur trois sont les fédérations qui regroupent les Turcs de France. L’une et l'autre sont très proches du ministère turc des Affaires religieuses. De là à voir la main du président turc Erdogan derrière ce sabotage il n’y a qu’un pas. Vous vous souvenez des déclarations incendiaires de Recep Erdogan contre Emmanuel Macron à l’automne dernier, lui reprochant d'être fou parce qu’il voulait dicter leur conduite aux musulmans de France? Et bien trois mois plus tard, ce sont effectivement les associations turques qui s'opposent à la charte d’Emmanuel Macron.
Interdiction de financement par des pays étrangers
Ces fédérations jugent que le texte porte atteinte à l’honneur des musulmans. Mais en réalité, le texte prévoit d’interdire le financement des mosquées par des pays étrangers. Or la Turquie est le pays qui a envoyé le plus d’imams, des imams détachés, des fonctionnaires turcs, salariés pour prêcher en France. Ils sont environ 150, plus 56 assistants. On comprend que les deux grandes fédérations des Turcs de France s'opposent à un texte qui mettrait fin à ces pratiques, et qui par conséquent réduirait l’influence d'Ankara sur la communauté turque de France.
Pourtant les Turcs ne sont pas les seuls à financer l’islam en France. Cinq des 9 fédérations du CFCM sont financées par des pays étrangers, comme l'Algérie ou le Maroc. Elles ont malgré tout signé la charte.
De la même manière, trois des fédérations sont proches des Frères musulmans et donc adepte d’un islam politique. Et ces associations ont accepté une charte qui proscrit l’instrumentalisation politique de la religion. Autrement dit, il y a eu une part d’hypocrisie de la part de ces fédérations musulmanes qui n’ont pas voulu se fâcher avec les autorités françaises.
Prochaine étape: constitution du Conseil national des imams
Le processus va se poursuivre même s’il ne fait pas l’unanimité. Parce que cette charte n’est qu’une première étape. La suivante, c'est la constitution du Conseil national des imams qui sera chargé de former et d'agréer les Imams français. Ils seront 2.500 d’ici 2024. Des imams officiels. Les autres, ceux qui ne seront pas agréés seront exclus et les visas des imams détachés ne seront pas renouvelés. C’est ce qui est prévu.
Mais tout reste à faire. Il va falloir trouver comment former ces imams et comment trouver les financements. De l’argent français mais pas public pour remplacer l’argent turc ou algérien dont on ne veut plus. Bref il y a du boulot pour organiser de l’islam de France.
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