Christiane Taubira est une ministre inutile

Hervé Gattegno revient, ce vendredi, dans sa chronique quotidienne "Le parti pris" sur l'inaction de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Alors même qu'elle a perdu tous ses arbitrages, elle reste au gouvernement car elle est, selon lui, une "caution" pour Manuel Valls et François Hollande.
Vous évoquez ce matin l’étrange situation de Christiane Taubira, la garde des Sceaux. Votre parti pris : Mme Taubira est une ministre inutile. Pourquoi êtes-vous aussi sévère ?
Christiane Taubira est une personnalité marquante (et à certains égards admirable) mais au gouvernement, c’est devenu un fantôme. Elle a perdu presque tous ses arbitrages contre l’Intérieur sur la loi Renseignement, contre Bercy sur la loi Macron. On ne l’a pas entendu sur la réforme des prud'hommes, qui est de son ressort ; pas même sur le plafonnement de l’indemnité de licenciement, sujet qui divise la gauche. De fait, elle n’a pas dit un mot pour soutenir les frondeurs (on croyait qu’elle était de leur côté), mais elle est quand –même "cornerisée" par Manuel Valls. Donc elle ne joue même plus les utilités : elle est devenue un ministre inutile.
Est-ce qu’il ne lui reste pas des réformes à faire en matière de justice ? Elle devait notamment moderniser la justice des mineurs…
C’est vrai – d’ailleurs c’était une promesse du candidat Hollande – mais pour Manuel Valls, c’est ce sujet qui est devenu mineur : la Chancellerie dit que le texte est prêt mais il n’est même pas inscrit au programme du Parlement. On ne le verra pas avant 2017. Il y a un autre texte qui devait être le Grand Œuvre de Christiane Taubira: le projet de loi sur la justice du XXIè siècle, avec la numérisation des procédures, le regroupement des juridictions sociales et la réforme des tribunaux de commerce. Tout cela vient d’être reporté aussi. Ce sera à l’Assemblée à la rentrée – au mieux. Comme les textes sont prêts depuis des mois, Mme Taubira va passer un été tranquille…
Si sa situation est à ce point dégradée, qu’est-ce qui explique qu’elle reste au gouvernement malgré tout ?
Pour François Hollande, Christiane Taubira est la principale caution de gauche du gouvernement – parce qu’elle a porté la loi sur le mariage gay ; et qu’elle reste une cible pour la droite et le FN. Plus le cap est social-libéral, plus François Hollande a besoin d’elle pour équilibrer sa politique. De son côté à elle, il faut bien dire que Christiane Taubira n’est pas insensible aux ors de la République (même si elle se déplace à vélo). Or elle n’est plus députée et elle a besoin de durer jusqu’au début 2016 pour préparer son entrée au Conseil constitutionnel. Beaucoup de ministres disent qu’elle ne pense plus qu’à cela et que François Hollande le lui a promis – mais enfin, il paraît qu’il l’a promis aussi à Laurent Fabius…
Ce qui se dit beaucoup aussi, ces derniers temps, c’est que la Chancellerie serait gagnée par la déprime. Vous y croyez ?
J’en ai même été témoin : beaucoup de fonctionnaires du ministère, y compris haut-placés, sont au-delà du désenchantement. La réalité, c’est que la justice est sous l’éteignoir et le cabinet de la ministre, sous tranquillisants – elle a écœuré trois directeurs de cabinet et ça fait deux mois qu’on cherche un remplaçant au 3ème. L’entourage de Christiane Taubira banalise, mais c’est tout sauf banal d’avoir un cabinet à ce point bancal (il y a eu aussi des départs chez les conseillers). En fait, il faut se demander si Christiane Taubira n’aurait pas mieux fait de partir en même temps qu’Arnaud Montebourg et Benoît Hamon – ça aurait eu plus de panache. En définitive, elle est restée ministre de justesse, mais il n’y a plus vraiment de ministre de la Justice.
Hervé GATTEGNO