Coup de gueule: « Etre une femme à la rue, c'est être une proie »
Les assos ferment, le Samu social est en crise ; pour les femmes SDF, violences, prostitution et viol continuent.
« Ils ferment, ils ferment, ils ferment », déplore Marion, 24 ans, à la rue depuis sa majorité. « Il n'y a aucun centre sur le point de rouvrir. » Catherine, 48 ans, a renoncé à appeler le 115. Elle se prépare pour une nouvelle nuit dehors et troque sa robe longue contre un pantalon informe qui « passe un peu plus inaperçu ». Elle dormira dans un recoin de la gare de Lyon.
L'été n'arrange rien pour Catherine, Marion et les autres. De nombreuses associations ferment jusqu'en septembre. La mortalité est la même qu'en hiver, pourtant les distributions alimentaires et les soins médicaux se raréfient.
Alors que le Samu social de Paris faisait déjà état dans son dernier bilan de son incapacité à répondre à 10 601 demandes de mise à l'abri, le secrétaire d'Etat au Logement, Benoist Apparu, annonçait le 20 juillet au JT de France 2 la fermeture prochaine de 4 500 places supplémentaires.
Les femmes et les familles sont les plus touchées
Le Samu social est en crise. Son directeur et fondateur Xavier Emmanuelli vient de claquer la porte. Financée à 92,5% par l'Etat, l'institution accuse une restriction budgétaire de 25% alors que le dispositif est déjà en complète saturation.
En 2010, le Samu Social a attribué 1 930 000 nuitées, soit 24% de plus qu'en 2009. Alors que le nombre de personnes en famille – 11 200 – vient de dépasser le nombre de personnes isolées – 10 300 – , la coupe budgétaire annoncée touche de plein fouet l'hébergement en hôtel, principalement dédié aux femmes et aux familles à la rue.
Les centres d'hébergement collectif ne sont pas épargnés non plus. L'été dernier, le Centre pour jeunes femmes à la rue Apaso a mis la clé sous la porte. Fin juin, le centre Yves Garel a fermé à son tour. Une solution de remplacement a été trouvée pour les 57 lits qui étaient réservés aux hommes, mais pas pour les 38 places pour femmes.
Le nombre de femmes à la rue augmente toujours. Elles représentaient 13,3% des appels quotidiens au 115 en 1999, et 16,7% des appels en 2009.
« Il y a très peu d'hébergement pour femme. Donc peu sont prises au 115. Pour le reste, c'est difficile. D'autant que certaines ont des problèmes psychiques ou psychiatriques », commente Solange Gomis, du centre d'accueil la Halte Femmes :
« Quand vous restez pendant 1h30 avec la musique lancinante du 115 au bout du fil et qu'on vous demande de rappeler à 21 heures, c'est dur. »
A la Halte Femmes, des jeunes et des vieilles
La Halte Femmes est un accueil de jour pour femmes situé derrière la gare de Lyon (XIIe arrondissement de Paris). C'est l'un des rares lieux ouverts 365 jours par an, de 9 heures à 21 heures. Ces temps-ci, son chef de service, Rodrigue Cabarrus, remarque que contrairement aux années précédentes, les femmes sont à peine moins nombreuses qu'en hiver.
En arrivant là-bas, Catherine file se débarbouiller au lavabo. Comme elle, Marion vient presque tous les jours et donne une participation d'1 euro par repas quand elle peut. Mais les repas sont comptés. En raison d'un budget serré, leur nombre est passé de 70 à 55 cette année.
A la Halte, on croise aussi bien des primo-arrivants que des filles de l'Est, des jeunes et des vieilles. Certaines se retrouvent dehors à cause de problèmes de dépendance – drogue ou alcool –, de fragilités psychologiques, ou de surendettement. D'autres ont fui le domicile pour des histoires de violences conjugales ou familiales ou se sont fait mettre à la porte de chez elles. Certaines, comme Catherine, sont des mères de famille.
Dans la rue, pour les femmes, une « dimension sexuelle »
Ici, chacune a son histoire, mais toutes en ont commun une même préoccupation : trouver un endroit sûr pour passer la nuit. Pour Rodrigue :
« Une femme à la rue est bien plus en danger qu'un homme. La rue est un milieu violent en règle générale mais pour les femmes, la dimension sexuelle intervient. »
Tous les jours à la Halte, on sent poindre l'angoisse à mesure qu'approche la fermeture.
Le premier danger qui guette les femmes à la rue, c'est le viol. En 2009, Catherine s'est fait agresser :
« Il était 3 heures du matin et je ne me suis pas rendu compte que j'étais dans un coin dangereux. Des jeunes sont arrivés. L'un d'eux a voulu porter mes valises. Une fois qu'il marchait devant avec mes trois énormes bagages, j'étais obligée de le suivre. Au bout du compte, il m'a poussée dans une allée, il voulait un rapport sexuel et il a sorti son couteau. J'ai réussi à m'en sortir en laissant deux de mes valises mais il m'a ouvert les deux mains. Ça aurait pu plus mal tourner. »
Catherine n'a pas porté plainte : « Pour ce genre de criminalité, la police ne fait pas d'enquête. »
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