Coup de gueule: mi-pute mi-soumise en Malaisie
Le Club des femmes obéissantes s’est invité de façon tonitruante dans le débat sur la hausse du nombre de divorces en Malaisie (+ 55% entre 2005 et 2009). Avec ce credo : un homme obéi est un homme satisfait qui ne va pas voir ailleurs. La spirale serait vertueuse, car l’épouse obéissante à son mari non seulement le conserve, mais remédie, en plus, aux fléaux sociaux que sont la violence conjugale, la prostitution ou encore l’abandon d’enfant.
Revendiquant 800 membres en Malaisie, ce club est ouvert depuis juin à quiconque sans considération de foi. Comme les autres rassemblements similaires en Jordanie, à Singapour et en Indonésie, il enseigne son interprétation du devoir des femmes, créées par Dieu pour satisfaire les besoins de l’homme, de la cuisine à la chambre à coucher. Surtout dans cette dernière pièce, d’ailleurs, car «les hommes n’ont qu’un désir, il est pour les femmes», explique Fauziah Ariffin, la présidente du club - tandis que les femmes, elles, «désirent beaucoup un nouveau sac à main, de nouvelles chaussures…»
Aux classiques de la bonne cuisinière et de la bonne mère, le club innove donc avec la figure de la bonne amante, capable «de servir son mari mieux qu’une prostituée de première classe», comme l’affirme Rohaya Mohamad, la vice-présidente.
Selon elle,
« une bonne épouse, une épouse pieuse, doit aussi être douée au lit ».
Le dessein est sérieux :
«Toutes les femmes ne sont pas entraînées à être douées au lit, nous voulons le leur apprendre. »
Un journaliste local, le rouge au front, a demandé à Fauziah Ariffin ce que personne n’osait : « Comment donc connaissez-vous votre affaire ?»
« J’ai appris en lisant des thrillers où les espionnes du KGB étaient entraînées à faire usage de leurs charmes pour séduire les hommes.»
Levant les tabous sexuels de la prude Malaisie à majorité musulmane, le club a attiré l’attention et suscite de nombreux commentaires. Jusqu’à faire réagir Shahrizat Abdul Jalil, la ministre des Femmes et de la Famille, qui a déploré «un pas en arrière dans le mouvement d’émancipation des femmes». Son ministère n’est pas le seul à être embarrassé par la publicité autour du club.
Celui de l’Intérieur et les autorités religieuses du pays ont dans leur collimateur le financier du club, la multinationale Global Ikhwan. Ils le soupçonnent d’être un paravent d’Al-Arqam, une secte influente dans les années 90, interdite pour «déviance», et de chercher, avec ce lancement provocateur, à redynamiser son entreprise d’enrôlement. Ashaari Mohamad, le fondateur charismatique d’Al-Arqam, coutumier des délires mystiques et ancien directeur de Global Ikhwan, est mort en mai 2010. Sa disparition n’a, vraisemblablement, pas altéré l’obéissance de ses femmes, qui furent aussi ses employées : les responsables du Club des femmes obéissantes sont salariées de la multinationale.
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