Déchéance de nationalité: "On nous a retiré notre identité mais on se sentira toujours Français"

TEMOIGNAGES RMC - Aux yeux des autorités, ils ne sont plus Français. Alors que le débat sur la déchéance de nationalité fait rage à l'Assemblée nationale, ce lundi, Fouad, Karim et Attila, tous trois déchus de leur nationalité, racontent leur vie d'aujourd'hui et leur combat pour rester Français.
Les députés poursuivent, ce lundi après-midi, les débats sur le projet de loi constitutionnelle de protection de la Nation. Ils devraient débuter la nuit prochaine l'examen de l'article 2, qui prévoit de déchoir de leur nationalité les Français condamnés pour des crimes "constituant une atteinte grave à la vie de la Nation" (terrorisme, trahison, espionnage...). Dans les faits, cette déchéance de nationalité existe déjà en France pour les binationaux condamnés pour terrorisme.
Libérés en 2009
Dernier cas en date, celui de quatre Franco-Marocains et un Franco-Turc, tous amis et tous déchus de leur nationalité par décret le 7 octobre dernier. Une initiative de Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur. Ces 5 hommes ont été arrêtés en 2004, un an après les attentats de Casablanca, puis condamnés à des peines allant de six à huit ans de prison pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un attentat". Ils ont été libérés en 2009 et ont repris depuis leur vie dans les Yvelines. Ils ont fondé une famille, travaillent et n'ont plus jamais eu à faire à la justice.
Pourtant, ces cinq déchus de nationalité ont récemment reçu une lettre de convocation à la préfecture les invitant à venir remettre leurs papiers d'identité avant le 17 février. S'ils ne le font pas un avis de recherche sera émis contre eux. Ce lundi, trois d'entre eux ont accepté de raconter à RMC leur vie aujourd'hui et leur combat pour rester Français. "C'est vrai que civilement on nous a retirés notre identité mais dans notre cœur on sera toujours Français", jure Fouad, 40 ans, né au Maroc et arrivé en France à l'âge de trois ans.
"On vit dans une angoisse permanente"
"J'ai toujours voté. Je suis quelqu'un d'investi démocratiquement, civiquement", ajoute-t-il avant de certifier: "Où que l'on soit dans ce monde, on se sentira toujours Français. On pensera français, on réfléchira français… On sera Français". Pourtant, depuis quatre mois, Fouad peut être expulsé à tout moment vers le Maroc Même chose pour son ami Karim, 39 ans, arrivé en France, avec ses parents, quand il avait un an.
"On vit dans une angoisse permanente, témoigne-t-il. On ne connaît pas le pays de nos parents. On y allait seulement pendant les vacances quand on était jeunes. Moi, ça fait 16 ans que je n'ai pas mis les pieds au Maroc. Je ne connais donc pas ce pays. On a été baignés depuis tout petit dans la culture française. C'est ce qu'on est". Depuis sa sortie de prison, il y a sept ans, Karim travaille. Il a monté son entreprise et c'est en regardant la télévision qu'il a appris, en octobre, qu'il n'était plus Français.
"Je ne dois rien à l'Etat"
"A la sueur de notre front, on a repris une vie normale, une vie de travailleur. Si une personne est condamnée en France, généralement, quand elle a purgé sa peine, elle a payé sa dette à la société. Mais malheureusement, aujourd'hui, le droit à l'oubli on n'y a pas le droit", estime-t-il, dépité. Enfin, il y a Attila, 40 ans, franco-turc et père de quatre enfants, qui dit "avoir la boule au ventre: dès que j'entends une sirène, je me retourne.
Et de rappeler: "Techniquement, j'ai une carte d'identité mais s'il y a un contrôle je vais directement en prison. Je suis né en France, à Mantes-la-Jolie. Je suis donc Français, 100% Français. Ma femme et mes enfants le sont. Je ne vois pas pourquoi, sept ans après ma sortie de prison, on vient me chercher. J'ai payé ma dette. Si la prison est un purgatoire, j'ai purgé ma peine. Je ne dois rien à l'Etat". A la fin de l'année dernière, Attila et ses amis ont déposé devant le Conseil d'Etat un référé suspension et un recours pour excès de pouvoir. Il doit être examiné dans les prochains mois mais aucune date n'a encore été fixée.
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