Démission de Bouteflika: et maintenant, quels sont les scénarios envisagés?

Après un mois de contestation exemplaire, les Algériens se réveillent, pour la première fois en 20 ans, sans Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays. Et maintenant, que va-t-il se passer?
Après un mois de contestation exemplaire, les Algériens se réveillent, pour la première fois en 20 ans, sans Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays mais, la joie passée, n'entendent pas baisser la garde et veulent désormais obtenir le départ de tout le "système" au pouvoir.
Mardi soir, la télévision a diffusé les images d'Abdelaziz Bouteflika, assis dans un fauteuil roulant et vêtu d'une gandoura, une tunique nord-africaine beige, remettant sa lettre de démission au président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz, visiblement peu à l'aise.
Juste après l'annonce de la démission du chef de l'Etat, des klaxons et des feux d'artifices ont fait vibrer jusque tard dans la nuit certaines rues d'Alger.
Après six semaines de mobilisation pacifique, ils ont obtenu le départ de leur président, celui qui souhaitait, au départ, briguer un sixième mandat. Le chef de l'Etat de 82 ans, très affaibli depuis un AVC en 2013, aura tenté de s'accrocher au pouvoir face à un mouvement populaire inédit. Mais il a démissionné mardi soir, quelques heures après avoir été défié par l'armée.
Qui dirige le pays désormais?
C'est le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, 77 ans, pur produit du régime, qui est aujourd'hui chargé par la Constitution d'assurer l'intérim durant une période maximale de 90 jours au cours de laquelle une présidentielle doit être organisée.
La rue ne compte donc pas se taire et pourrait être particulièrement déterminée, dès vendredi pour une nouvelle journée de mobilisation.
"Soit l'article 102 de la Constitution est appliqué à la lettre et auquel cas, un intérim est assuré par le président du Conseil de la Nation. S'il est empêché, c'est le président du Conseil constitutionnel qui prend le relais. Les deux personnalités sont rejetées par la rue" décrypte Neïla Latrous, rédactrice en chef Maghreb et Moyen-Orient à Jeune Afrique.
"Il y a une deuxième option qu'on peut très bien envisager: si consensus populaire il y a, on peut mettre en place une espèce d'assemblée générale provisoire, le temps de prendre un peu plus pour les élections et les 90 jours que prévoit de façon très stricte la Constitution. Un délai qui ne permettrait pas d'organiser des élections libres et transparentes" précise la journaliste sur RMC.
Qui sortira vainqueur?
Invité de RMC, Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes, s'est également interrogé sur le rôle de l'armée durant cette période transitoire: "L'armée l'a sommé de partir. Les manifestants sont descendus massivement dans les rues par millions dès le 22 février. Le 26, l'armée soutenait encore Bouteflika. Il a fallu quatre semaines pour que le chef d'Etat-major retourne sa veste, alors qu'il lui doit toute sa carrière". Et le spécialiste de souffler à Jean-Jacques Bourdin que "L'armée a structuré l'État depuis la lutte pour l'indépendance" et si "L'armée a renversé Bouteflika, qui voulait mourir président et qui sort en robe de chambre, c'est pour garder la main sur le prochain président".
"Le Conseil constitutionnel a 3 mois pour organiser des élections. Je ne pense pas que le peuple va accepter Abdelkader Bensalah, président du Sénat, pour l'intérim" décrypte-t-il, avant d'expliquer que plusieurs noms reviennent: "Deux anciens ministres se dégagent, Mouloud Hamrouche et Ali Benflis et un avocat, Maître Bouchachi. Mais un "Mandela" peut surgir à tout moment. Les urnes parleront!".
"Nous sommes confiants dans la capacité de tous les Algériens à poursuivre cette transition démocratique dans ce même esprit de calme et de responsabilité" qui a prévalu ces dernières semaines, a déclaré mardi soir Jean-Yves le Drian, ministre des Affaires étrangères de la France, ancienne puissance coloniale de l'Algérie.
"Il revient aux Algériens de décider comment gérer cette transition", a commenté le département d'Etat américain. Mercredi, Moscou, un proche allié, a mis en garde contre toute "ingérence de pays tiers", et dit espérer que la transition n'aurait "aucune répercussion" sur ses relations avec Alger.
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