Démission de Bouteflika: la joie dans la rue à Alger et le sentiment de "vivre un moment historique"

Mardi soir, un concert de klaxons et des feux d'artifice ont retentis après l’annonce de la démission du chef de l'Etat. Les envoyés spéciaux de RMC racontent.
Après un mois de contestation exemplaire, les Algériens se réveillent, pour la première fois en 20 ans, sans Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays mais, la joie passée, n'entendent pas baisser la garde et veulent désormais obtenir le départ de tout le "système" au pouvoir. Mardi soir, la télévision a diffusé les images d'Abdelaziz Bouteflika, assis dans un fauteuil roulant et vêtu d'une gandoura, une tunique nord-africaine beige, remettant sa lettre de démission au président du Conseil constitutionnel Tayeb Belaïz, visiblement peu à l'aise.
Juste après l'annonce de la démission du chef de l'Etat, des klaxons et des feux d'artifices ont fait vibrer jusque tard dans la nuit certaines rues d'Alger. Des milliers de personnes se sont réunis dans le centre de la capitale pour crier leur joie immense et leur fierté retrouvée, racontent nos envoyés spéciaux.
Après six semaines de mobilisation pacifique, ils ont obtenu le départ de leur président, celui qui souhaitait, au départ, briguer un sixième mandat. Le chef de l'Etat de 82 ans, très affaibli depuis un AVC en 2013, aura tenté de s'accrocher au pouvoir face à un mouvement populaire inédit. Mais il a démissionné mardi soir, quelques heures après avoir été défié par l'armée.
"On a montré au monde entier ce que c'était une révolution pacifique"
"C'est un moment historique": une mère de famille sortie dans la rue avec ses enfants n'en revient toujours pas. Elle rêve désormais d'une "Algérie nouvelle". Le peuple algérien a repris la rue, le pouvoir et sans aucune violence: "On a montré au monde entier ce que c'était une révolution pacifique. On est très fiers!": c'est l'une des phrases répétées par de nombreuses personnes depuis mardi soir.
Après avoir fait la fête tard dans la nuit, les rues sont particulièrement calmes, mercredi matin. Les journaux affichent des photos en grand format de cette foule immense rassemblée: "Bouteflika s'en va", "La fête pour le peuple" peut-on lire.
Mais l'ivresse de la victoire pourrait être de courte durée: beaucoup de manifestants confient que le départ de Bouteflika n'est qu'une étape. "Maintenant, c'est tout le clan du désormais ancien président qui doit dégager": c'est ce qu'on pouvait entendre dans ce rassemblement improvisé.
Yazid, par exemple, confie que "la lutte continue".
"C'est la satisfaction parce que c'est aboutissement d'une partie des revendications du peuple algérien dans ce combat démocratique pour le changement. On est très fiers bien que le combat continue. Il faut que tous les symboles de la corruption, qui sont à l'origine du malheur des Algériens, partent tous. C'est une victoire partielle, la lutte continue" expliquait-il, mardi soir.
La rue ne compte donc pas se taire et pourrait être particulièrement déterminée, dès vendredi pour une nouvelle journée de mobilisation. Objectif: ne pas laisser s'installer le pouvoir transitoire: le président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, 77 ans, pur produit du régime, est chargé par la Constitution d'assurer l'intérim durant une période maximale de 90 jours au cours de laquelle une présidentielle doit être organisée.
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