La Deschamps « Touch » II
Retour sur la victoire des Bleus en Italie…
« On n’est pas les plus forts, mais on a du talent »… Voilà une sorte de résumé de la pensée Deschamps. Depuis qu’il est coach, toutes ses équipes auraient pu prononcer ses mots. Son Monaco n’était pas très fort, mais il a joué une finale de LDC, son OM était encore moins fort, mais il a été champion, a remporté quelques titres et a même joué un ¼ de LDC. A l’idée d’équipe forte, on imagine qu’il veut dire par là : avec de bons joueurs et un jeu élaboré, il oppose la force d’un collectif d’abord basé sur la puissance physique. Le reste, ce qu’il y a derrière le « mais », le « on a du talent », se résume souvent à deux ou trois joueurs grand maximum que communément on admettra talentueux. En Italie, c’était Valbuena (un joueur qui, mine de rien, l’a tiré d’affaire plusieurs fois) et Ribéry. Deux joueurs et une pointe, ça rappelle France 98, son équipe. Celle dans laquelle il était une sorte d’entraîneur-joueur. Mais la comparaison ne peut être que conceptuelle. Les Bleus de 2012 sont, en effet, bien loin de ceux des belles années. Pourtant on pourrait s’entêter encore un peu et évoquer la réussite. Ah que l’idée est vague ! Comment tomber dans l’irrationnel alors qu’on prétend vouloir expliquer les choses ? Imaginons un After après le France/Croatie de 98… Thuram met deux buts, dont une frappe enroulée pied gauche… Difficile non ? Avant il y avait eu une séance de tirs au but, après un match fermé. Et après ? Deux corners et deux buts de la tête d’un joueur jusque-là très discret. Nettement plus belle et plus joueuse, la même bande a tout de même joué une finale heureuse, surréaliste à l’Euro 2000. C’est excessivement caricatural ? Oui, certainement. Reste que Deschamps a traîné ça toute sa carrière : « Je suis visiblement moins fort, mais à la moindre ouverture, si tu me laisses le moindre espace, je serai là ! »… Et ce même si je dois contrôler un ballon du dos.
J’aime la phrase qui dit qu’un coach doit réduire l’incertitude, les effets éventuellement négatifs de l’arbitrage ou l’incertitude liée à ceux que certains appelleront la chance. Le coach doit donc chasser l’irrationnel. Avec Deschamps, c’est un peu différent. Lui met à profit l’incertitude. L’adversaire te laisse respirer, il le paye. S’il est plus fort que toi alors il devra le matérialiser, le concrétiser. C’est là qu’intervient l’élément essentiel de son coaching : le mental. Rien de bien nouveau dans le sport de haut niveau me direz-vous. Reste que cette donnée a beau être banale, elle n’est pas maîtrisée par tous de la même façon. Et ceux qui ont vu sa « causerie » avant Monaco/Real (elle rappelle celles de Jacquet découvertes dans le docu les « Yeux dans les Bleus ») savent que Deschamps excelle dans ce domaine. Il sait comment renverser une situation, comment faire pour la retourner à son avantage. La grande force de Deschamps joueur, c’était de savoir parfaitement ce qu’il savait et pouvait faire. De ne pas faire, par ailleurs, de ne pas tenter, ce qu’il ne savait pas faire. Son équipe, ses équipes semble fonctionner aussi de cette façon.
Comme il aime à le dire souvent, Deschamps est pragmatique. La discussion autour de qui est le plus méritant, de qui joue le mieux, il s’en moque car le coach des Bleus voue, en effet, un culte au résultat. Totalement soumis à cette dictature, il est à contre-courant de la mode actuelle. L’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, les équipes qui ont le plus brillé lors du dernier Euro régalent le ballon et les amateurs du jeu, et alors ? De toute façon la mode ne l’a jamais vraiment branché. On se plaignait de Domenech et de ses deux 6 ? Lui en colle 3 ! Parce que tant que ça passe, c’est bien. Enfin, il paraît. Avec Deschamps, et tant que les joueurs le suivront, les Bleus vont exister, devenir très difficiles à battre et donc faire des résultats. Le résultat, une finalité et une limite. Un mur sur lequel quand on s’écrase tout devient alors très moche…
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