Dix ans après les émeutes: entre la police et les jeunes de banlieues, "la défiance existe toujours"

ENQUETE RMC -Le 27 octobre 2005, deux adolescents de Clichy-sous-Bois mourraient en essayant d’échapper à la police. Une mort tragique, suivie de violentes émeutes urbaines. Dix ans plus tard, RMC s'est rendue à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour voir si, depuis, les relations entre les jeunes de ces quartiers populaires et la police ont évolué.
Il y a 10 ans, après Clichy-Sous-Bois, les émeutes gagnaient les villes voisines de Seine-Saint-Denis. Avec toujours le même scénario: un face à face très tendu chaque nuit entre jeunes habitants des quartiers populaires et forces de l'ordre. Des affrontements qui durent plusieurs heures avec, à chaque fois, un lourd bilan matériel. Au choc de la mort de Zyed et Bouna s'ajoute, quelques jours plus tard, les revendications d'une génération qui assure vivre sous une pression policière, à cause notamment de contrôles d'identité répétés.
Mais, dix ans après, les relations entre les forces de l'ordre et ces jeunes des quartiers populaires ont-elles évolué? RMC s'est rendue avec un policier de la BAC 93 (la Brigade anti-criminalité de Seine-Saint-Denis) à Aulnay-sous-Bois et a constaté que ces relations demeuraient encore très tendues… Ainsi, il suffit de prononcer le mot "police" sur un terrain de basket au pied d'un immeuble pour que la discussion s'anime.
"C'est comme un petit jeu"
"Moi, j'ai une mauvais image de la police aujourd'hui, assure un jeune. Ils ne nous respectent pas quand ils viennent. Ils nous tutoient, nous parlent mal, avec dédain. Ils nous prennent de haut. Donc je ne vois pas pourquoi nous devrions ensuite les respecter". Et un autre de surenchérir. "Parfois, on ne fait rien. On marche juste dans la rue et ils nous interpellent". "C'est comme un petit jeu en fait. C'est le chien et le chat, estime encore un autre. Eux, ils nous parlent mal. On ne va pas venir et leur parler gentiment, c'est normal".
Ces joueurs de basket ont en moyenne 17 ans. Des lycéens comme eux, Fabrice (le prénom a été modifié car tenu au devoir de réserve ce policier doit rester anonyme, ndlr) en croise tous les jours. "La défiance existe toujours, assure-t-il. Ce sont des regards, des mots… Mais nous sommes formés et habitués à ne pas y répondre. Il y a malgré tout, parfois, des situations beaucoup plus violentes où, sans raison, des policiers sont pris à partie de manière gratuite. La simple patrouille qui passe peut se faire assaillir à coups de boules de pétanque ou de cocktails Molotov".
Promesse non tenue
Depuis les émeutes de 2005, Fabrice l'assure les policiers ne travaillent plus de la même façon: "Prenons l'exemple d'une course poursuite. Il faut savoir que, quand bien même une infraction a été commise, une course poursuite avec un deux-roues est systématiquement stoppée par l'état-major parce qu'il craint un accident, un embrasement des cités."
A noter que, dans les quartiers populaires, selon un sondage publié en 2013, près de deux mineurs sur trois déclarent se méfier des forces de l'ordre. Pour rassurer cette jeunesse, François Hollande s'était engagé durant sa campagne à lutter contre les contrôles au faciès. Une promesse non tenue pour le moment selon de nombreuses associations.