Existe-t-il à Sevran, comme à Lunel, une filière de recrutement pour l'Etat islamique?

ENQUETE RMC - Les parents d'un jeune homme de 23 ans tué en Syrie accusent, dans une lettre ouverte, le maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) de fermer les yeux sur la présence de "recruteurs" de l'organisation jihadiste Etat islamique dans la commune. Qu'en est-il réellement?
"Nous, les parents, n'en pouvons plus de voir partir nos jeunes radicalisés, dont l'avenir se résume à la mort certaine dans des conditions effroyables", écrivent, Thierry et Véronique Roy, dans une lettre ouverte adressée au maire (UDE) Stéphane Gatignon ainsi qu'à tous les maires de France. Le couple Roy a aussi indiqué avoir appris mi-janvier la mort de leur fils Quentin, parti en septembre 2014 pour la Syrie après s'être converti à l'islam.
Au total, à ce jour, six jeunes de Sevran sont morts en Syrie ou en Irak ces derniers mois après avoir rejoint l'Etat islamique. Tous sont partis de Sevran entre 2014 et fin 2015. Dès lors, comme le disent les parents de Quentin, existe-t-il à Sevran, comme à Lunel, une filière de recrutement pour Daesh? Une chose est certaine: il y a de nombreux départs dans la ville depuis 2014, même s'il n'y a pas de chiffres précis.
"J'alerte les élus"
Mohammed Chirani est l'ancien délégué du préfet à Sevran de 2009 à 2013. Il a démissionné en décembre 2013 pour dénoncer l'emprise grandissante des radicaux sur la ville. Avant de partir, en tant que délégué du préfet il multiplie les notes pour mettre en garde le maire et la préfecture, notamment sur une mosquée de Sevran. "J'alerte les élus, les services concernés par les thématiques de sécurité et malheureusement ce n'est pas pris au sérieux, assure-t-il sur RMC. En effet, à l'époque, la France ne connaît pas encore les attentats de Charlie".
"En 2013, il n'y a pas encore de départs en Syrie ou en Irak, ou peu ou ce n'est pas encore un problème d'actualité. Donc tout le monde s'en fout qu'il y ait de la radicalisation ou que des salafistes radicaux prennent des mosquées ou des lieux de prière", ajoute-t-il, dépité. Pour autant, il est difficile de dire si derrière ces départs il y a une filière de recrutement bien organisée, avec des responsables, ou s'il s'agit de départs spontanés.
"Aucune complaisance" de la mairie
Cependant, les six habitants de Sevran partis rejoindre les troupes de l'Etat islamique semblent tous s'être radicalisés au contact d'un groupe. Et dans ce groupe un homme retient particulièrement l'attention des enquêteurs: un jeune étudiant diplômé d'Histoire à la Sorbonne. Il a été arrêté en novembre dernier et est aujourd'hui poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Une accusation qu'il nie.
Avant de se radicaliser, il a effectué une mission de service civique dans une association de la ville et a finalement basculé petit à petit. A tel point qu'en septembre 2014, c'est lui qui accompagne Quentin, 23 ans, à l'aéroport direction la Syrie et l'Etat Islamique. Quentin est mort 14 mois plus tard. Invité de BFMTV, ce mardi, Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, s'est défendu: "Il n'y a jamais eu aucune complaisance. Nous avons toujours, au niveau de la municipalité, travaillé contre les questions de radicalisation". Et d'ajouter: "Ce n'est pas la ville, le maire ou les services municipaux qui vont combattre la radicalisation des jeunes".
Votre opinion