"Expliquez-nous" - Emeutes aux Etats-Unis: de Rodney King à George Floyd, plongée dans l'Amérique des bavures policières

Nouvelle nuit de violence aux Etats-Unis après la mort de Georges Floyd à Minneapolis. La colère ne retombe pas notamment parce les images de la bavure policière sont accablantes.
La scène dure un peu plus d’une demi-heure. Le New York Times a rassemblé toutes les images de vidéo-surveillance et celles filmées par des passants. On y voit d’abord la voiture de George Floyd garée en face d’une épicerie où il vient d’acheter des cigarettes. Deux jeunes employés du magasin l’accusent d’avoir payé avec un faux billet et appelle la police en disant: c’est un homme très alcoolisé et qui ne se contrôle pas.
Une voiture de police arrive rapidement. George Floyd est sorti de la voiture, menotté dans le dos et assis par terre. Il ne résiste pas. Arrivent une deuxième puis une troisième voiture de police avec des officiers qui cherchent à embarquer George Floyd. Mais au moment de monter dans la voiture, il refuse en disant qu’il est claustrophobe.
Rapidement, il est plaqué au sol face contre terre. Un policier place son genou sur son cou. Un autre sur sa poitrine. Il va rester dans cette position 8 minutes et 46 secondes. Il gémit et dit qu’il n’arrive pas à respirer. Un policier lui demande : “Est ce que tu vas accepter de monter dans la voiture?”.
George Floyd répond clairement : “Oui, j’accepte”. Mais le policier garde son genou sur son cou. Il va alors répéter 16 fois, “Je ne peux plus respirer”. 16 fois.
Des passants interviennent et disent: “Vous êtes en train de le tuer”. Le policier garde son genou sur son cou. Floyd perd connaissance au bout de cinq minutes. Le policier ne bouge toujours pas.
La police finit par appeler une ambulance en précisant que ce n’est pas urgent. Les secours arrivent assez vite. Les ambulanciers placent un brancard à côté de l’homme évanoui. Et le policier a toujours jusqu’au dernier moment son genou sur son cou. Finalement, George Floyd sera conduit à l'hôpital où il sera déclaré mort, une heure après.
Une longue liste de bavures policières
Selon un sondage, 70% des Américains ont vu ces images insupportables. D'où la colère qui cette fois dépasse largement la communauté noire américaine. Parce que c’est une longue agonie filmée en direct et parce que le policier fait preuve d’un cynisme, d’une brutalité, d’une absence totale d’humanité.
Il est aujourd’hui en prison. Il a 44 ans. Il doit avoir de lointaines origines françaises puisqu’il s’appelle Chauvin. Derek Chauvin. Il a fait l’objet de 18 plaintes au cours de sa carrière. Il a participé à trois fusillades dont une a été mortelle pour un suspect. Il est devenu le symbole du racisme et de la brutalité de la police. Sa femme a demandé le divorce et une protection policière.
George Floyd est le dernier d’une longue liste de noirs victimes de bavure policière. Le Washington Post a recensé près d’un millier de personnes tuées par la police en 2017. Et au cours des trois dernières années, des policiers ont abattu au moins 72 noirs désarmés, et coupable de rien. Certaines de ces bavures ont marqué les Américains.
Le 18 mars dernier en Californie, Stephon Clark, 22 ans a été, abattu par huit balles de policiers qui le croyaient armé d’un pistolet. Il était dans le jardin de sa grand-mère. Les policiers n’ont pas été poursuivis.
En 2016, à Charlotte, en Caroline du Nord, un père de sept enfants noirs, a été tué par un policier noir qui le pensait armé d’un pistolet. En fait, c'était un livre. Le policier n’a pas eu d’ennuis, mais Charlotte a connu plusieurs jours de violentes émeutes.
En 2014, la ville de Ferguson a aussi été le théâtre d'émeutes après la mort de Michael Brown, 18 ans, abattu par des policiers alors qu’il avait les mains en l’air. Et puis toujours en 2014, tous les Américains ont en tête les images de d’Eric Gardner, 43 ans, père de 6 enfants, obèse et diabétique, étranglé par un policier à New-York et qui est mort en disant : “je ne peux plus respirer.” Exactement comme George Floyd la semaine dernière. C’est après la mort d’Eric Gardner qu’était né mouvement “Black Lives Matter”, “La vie des noirs doit compter”.
Mais la bavure qui a entraîné le plus de violences, c’est l’affaire Rodney King à Los Angeles. L’homme qui avait été arrêté pour un excès de vitesse. Il s'était rebellé et quatre policiers s’étaient acharnés. Il avait reçu, 56 coups de matraques, 6 coups de pieds, 2 coups de tasers. Le tout filmé par un voisin. Un an après les policiers ont été jugé et acquitté... par un jury blanc.
Les quartiers noirs de Los Angeles se sont aussitôt enflammés. Au sens propre, il y a eu 4000 incendies. La garde nationale a mis six jours à reprendre le contrôle des quartiers sud de la ville. J’y étais: c’était la guerre. L’armée a repris pâté de maison après pâté de maison. On a finalement compté 60 morts. Deux des policiers ont ensuite été rejugés et ils ont fait un an et demi de prison. L’affaire Rodney King est restée dans tous les esprits.
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