"Expliquez-nous" - Violences à Dijon: pourquoi les communautés tchétchènes et maghrébines se sont-elles affrontées?

Le calme est revenu à Dijon après sept jours de violences entre communautés. On commence à y voir plus clair, et on peut ce matin expliquer précisément ce qui s’est passé
Tout a commencé le 10 juin, mercredi dernier. Ce jour-là, un jeune garçon de 16 ans est agressé par des dealers du quartier populaire des Grésilles à Dijon. Il est agressé parce qu’il est Tchétchène et que la petite communauté tchétchène de la ville s’oppose à ces dealers. Le jeune garçon est passé à tabac et on lui met un pistolet dans la bouche.
Le lendemain, le jeudi 11, l’affaire fait beaucoup de bruit sur les réseaux sociaux et des Tchétchènes de toute la France se donnent rendez-vous à Dijon pour donner une leçon aux dealers. Le lendemain, le vendredi soir, une centaine de Tchétchènes, masqués et armé de barres de fer, se retrouvent effectivement dans le centre de Dijon. Ils investissent un bar à chicha, le Black Pearl, considéré comme le quartier général des dealers. Ils saccagent le bar et blessent trois personnes.
La police est présente, mais elle n’intervient pas. Et pour cause, les Tchétchènes sont une centaine, les policiers à peine deux dizaines. C’est le rapport de force qui ne leur permet pas d’intervenir.
En plus, les Tchétchènes ne veulent pas d’embrouille. Ils envoient un représentant négocier avec les policiers. Ils leur disent en substance : “on a presque fini, on est juste venu régler un compte, on n’a rien contre vous”. La police va tout de même lancer du gaz lacrymogène, mais elle n’a pas les moyens d’interpeller qui que ce soit.
Pas assez de moyens policiers
Le lendemain, samedi dernier, le calme aurait pu revenir. Les Tchétchènes, satisfait de leur expédition punitive s'apprêtaient à quitter Dijon après avoir dormi dans leur voiture.
Mais sur les réseaux sociaux, les dealers et d’autres habitants des Grésilles, majoritairement d’origine nord-africaine, ont commencé à lancer des appels à la vengeance, à patrouiller en ville et à proférer des menaces contre les Tchétchènes de Dijon.
Alors ceux-ci se sont mobilisés encore plus largement. Ils ont appelé leurs amis à venir de toute la France, et même d’Allemagne. Samedi soir, vers 23 heures, de nouveau, ils se sont retrouvés, cette fois à au moins 200. Et vers minuit, une voiture est passée devant le bar des dealers et a ouvert le feu. Le gérant a été grièvement blessé. La police encore une fois, n’a pas eu les moyens humains suffisants pour intervenir.
Les incidents se sont encore poursuivis dimanche et lundi soir, mais cette fois sans les Tchétchènes qui avaient quitté la ville. Ce sont les jeunes de la cité des Grésilles qui ont investi les rues. Émus parce qu’ils venaient de vivre, furieux que la police ne les ait pas plus défendu. Ils ont brûlé des voitures et détruit du mobilier urbain. Cette fois, les forces de l’ordre sont intervenues parce qu’entre temps, elle avait eu le temps de se renforcer. Mardi soir à Dijon, il y avait des CRS, des gendarmes mobiles, des brigades anti-criminalité de la police, et même des homme des forces d’élite du Raid. Grosse démonstration de force, sauf que les Tchétchènes étaient partis depuis dimanche matin.
Ces hommes, violents et armés, sont tous repartis sans avoir été inquiété. Il n’y a eu aucune interpellation dans leur rang, parce que les policiers n’en n’ont pas eu les moyens vendredi et samedi soir. Mais l'enquête judiciaire est en route. Il y a des images, beaucoup d’images. Certaines, très inquiétantes où l’on voit des hommes avec des armes de guerre qui tirent en l’air.
Il ne fait aucun doute que certains seront identifiés et arrêtés. Mardi, Emmanuel Macron a demandé au ministre de l'Intérieur d’envisager l’expulsion de ceux qui seront arrêtés, s’ils ont le statut de réfugiés.
Des incidents ailleurs en France
Il y eu d’autres graves incidents impliquant les Tchétchènes à Nice notamment où ça dure depuis des semaines, même si on n'en parle pas. Le 17 avril, dans la résidence des Chênes, deux Tchétchènes ont été blessés à l’arme automatique. Le 11 juin, deux autres ont été arrêtés pour avoir blessé un homme au couteau. Dimanche soir, des coups de feu ont été entendus dans la cité des Liserons. Apparemment, des dealers ont attaqué des Tchétchènes en représailles aux événements de Dijon.
Et il y a eu d’autres scènes de grandes violences ailleurs en France. Le Figaro a relevé que le 30 avril à Troyes une bagarre a opposé 50 Tchétchènes à des Africains. À Rouen, en mai, des dizaines de Tchétchènes ont voulu se faire justice après, déjà, une histoire d’agression d’un de leurs enfants.
Dans Le Figaro, le porte-parole de l'Assemblée des Tchétchènes d’Europe, Chamil Albakov, explique qu’il s’agit le plus souvent de lutter contre des dealers. Il justifie les expéditions punitives en expliquant que les Tchétchènes ont tenus tête à l'armée Russe, chez eux dans le Caucase, et qu’ils ne veulent pas se laisser faire par des “racailles” chez nous.
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