"Expliquez-nous": y a-t-il vraiment eu des pressions dans l'affaire Fillon?

Emmanuel Macron a demandé vendredi soir au Conseil supérieur de la magistrature de vérifier que le parquet national financier (PNF) a bien mené en "toute sérénité, sans pression" de l'exécutif son enquête sur les époux Fillon pendant la campagne présidentielle de 2017.
Y-a-t-il une deuxième affaire Fillon? L’opposition demande que toute la vérité soit faite autour des pressions qu’une haute magistrate dit avoir subi en 2017 dans le dossier.
Il s’agit d’une petite phrase qui a fait l’effet d’une bombe dans le monde de la justice. Parce que l’on parle d’une affaire ultra sensible. Francois Fillon, candidat a la présidentielle, à un moment favori pour devenir le prochain président, qui va chuter après sa mise en examen dans l’affaire des supposés emplois fictifs de sa femme, Pénélope. Voici donc maintenant la nouvelle affaire, 3 ans après. Elle a commencé il y a dix jours.
Eliane Houlette, la cheffe du Parquet national financier était entendue par la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance de la justice. Et devant les députés, cette procureure aujourd’hui à la retraite a dit que dans l’affaire Fillon, elle avait subi des pressions de sa hiérarchie. "Le contrôle du parquet général était très étroit. On me demandait de rendre compte immédiatement des auditions et des avancées de l'enquête".
Ces pressions ne sont pas illégales
Elle a précisé depuis qu’elle ne parlait pas de pression politique mais de pressions de sa cheffe, la procureure générale de Paris Catherine Champrenault.
Ces pressions ne sont pas illégales. Le parquet national financier qui a été créé après l’affaire Cahuzac en 2013 est là pour poursuivre les délits financiers et politiques. Il dépend hiérarchiquement du parquet général de Paris qui a le droit de lui donner des instructions.
Et c’est ce qui s’est passé. Eliane Houlette dirigeait une enquête préliminaire qu’elle avait confié à la police. Après un mois, sa hiérarchie lui a demandé par écrit d’ouvrir une information judiciaire. C’est à dire d’abandonner l'enquête et de la confier à un juge d’instruction.
C'est ça qui ne lui a pas plu et qu’elle dénonce aujourd’hui. Elle parle de pressions, mais c’était des pressions pour que l'enquête soit justement confiée à un juge d’instruction indépendant, pour que l’on ne puisse plus accuser la justice de subir des pressions.
En réalité, c’était une bonne justice en pleine campagne électorale, dans une affaire aussi sensible que de demander à une procureure, pas indépendante de se dessaisir au profit d’un juge indépendant.
Il y a quand même une histoire, si l’on en croit le Journal du dimanche. Parce que le parquet général de Paris, pas indépendant, a fait savoir dès le 15 février 2017 qu’il voulait la saisie d’un juge d’instruction. Mais la demande n’a été officiellement formulé que le 24 février, neuf jours plus tard.
Et ce jour là, comme c’est la règle, le président du tribunal de Paris a saisi le juge de permanence. Et qui vient de prendre la permanence le 24 février au matin ? Serge Touraine. Bingo ! C’est le cow-boy du couloir de l’instruction, le juge qui instruit déjà toutes les affaires qui concerne la droite et notamment celle de Nicolas Sarkozy. Avec lui on est sur que le dossier ne sera pas enterré et que les choses vont aller vite.
Et dans cette affaire tout est allé très vite, et c’est cela qu’il faudra éclaircir. Quand le Canard enchaîné sort l’affaire des emplois fictifs supposés de Penelope Fillon, le parquet national financier ouvre une enquête préliminaire le jour même. C’est du jamais-vu.
Lorsque l’affaire est confié au juge Tournaire un mois plus tard, il convoque François Fillon, 3 jours après. C’est ultra-rapide. Les défenseurs de l’ancien Premier ministre soulignent qu’en trois jours, le juge n’a matériellement pas eu le temps de lire le dossier.
Et François Fillon est finalement mis en examen un peu plus de deux semaines après. C’est une justice TGV ou plutôt,une justice Lucky Luke: elle a dégaîné plus vite que son ombre.
Le conseil supérieur de la magistrature, saisi par Emmanuel Macron va maintenant se pencher sur ces faits et ces dates et devra dire si la justice a fonctionné normalement lors de cette incroyable séquence, juste avant le premier tour de la présidentielle.
Sans la célérité de la justice, François Fillon serait-il aujourd’hui président de la République?
La droite affirme déjà que la justice a politiquement assassiné François Fillon et volé la présidentielle. C’est la question ! Sans la célérité de la justice, François Fillon serait-il aujourd’hui président de la République? On ne le saura jamais. Ce qui est sûr, c’est qu’il a d’abord été victime des révélations du Canard Enchaîné sur les 600.000 euros indûment perçus par sa femme. D'après l'accusation lors de son procès. Le jugement est attendu la semaine prochaine.
Il a ensuite été victime d’un juge indépendant qui l’a mis en examen. Et à la fin le coup de grâce a été porté par un avocat proche de Nicolas Sarkozy qui a révélé l’affaire des costumes offerts. On ne peut donc pas réduire cette affaire à une justice aux ordres qui aurait fait tomber un candidat à la demande du pouvoir politique. François Fillon a surtout été victime de François Fillon
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