Guéant n'est pas la voix de Le Pen mais il chasse les voix du FN

« Libération » a fait sa une hier sur Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, en le désignant comme « la voix de Le Pen ». Je ne partage pas cette analyse. Pour moi ce n’est pas la voix de Le Pen mais les voix du Front national qui sont en cause.
Ce n’est pas seulement une nuance sémantique. C’est la différence entre l’idéologie et la tactique. Chacun est libre de juger les positions de Claude Guéant et les rapprochements (contestables) qu’il établit parfois entre l’immigration et la délinquance – ce n’est pas ma tasse de thé. Mais c’est un débat où la pensée automatique a tendance à prendre le pas sur la raison. Dire que Claude Guéant est « la voix de Le Pen », ce serait dire que le FN est au pouvoir, qu’il a la haute main sur la sécurité et sur l’immigration. Alors que nous avons, en France, l’une des politiques d’immigration les plus ouvertes d’Europe – ce qui n’est pas du goût du FN – et qu’entrent chaque année dans notre pays plus de 200 000 immigrés légaux. La réalité, c’est que Claude Guéant fait semblant d’être en désaccord avec sa propre politique. Et que ses détracteurs font semblant de ne pas s’en apercevoir. Dans un débat aussi sensible, passionnel, un peu plus de sincérité ne nuirait pas.
Les actes de Claude Guéant plus honorables que ses discours ?
En tout cas, plus défendables. En politique, les mots ont leur importance : donc, on ne peut pas ne tenir aucun compte de que dit le ministre de l’Intérieur. Surtout que l’arrière pensée est évidente : il durcit le ton, il marche sur la ligne jaune du discours populiste, pour attirer les électeurs du FN. Simplement, on ne peut pas non plus faire comme si la politique qui est menée ne comptait pas. Sur la répression de l’immigration illégale, les actes de M. Guéant correspondent aux engagements de Nicolas Sarkozy en 2007. Sur la diminution de l’immigration légale, on jugera sur pièces : Nicolas Sarkozy avait promis « l’immigration choisie ». Il n’y est pas vraiment arrivé. Donc ce n’est pas le résultat que Claude Guéant cherche à escamoter, mais plutôt l’objectif.
Claude Guéant parle avant tout aux électeurs du Front national ?
C’est un raccourci, mais on peut le dire comme cela. Il est non seulement ministre de l’Intérieur et de l’Immigration – une addition qui est déjà lourde de sens – mais aussi, en quelque sorte, ministre délégué à l’électorat radicalisé et secrétaire d’Etat chargé du 1er tour de l’élection présidentielle. Là aussi, ne nous racontons pas d’histoire : nous savons très bien – et Marine Le Pen le sait aussi – que la mission confiée par Nicolas Sarkozy à Claude Guéant, c’est de rallier le maximum d’électeurs tentés par le FN. Les moyens qu’il emploie ne nous enchantent pas, parfois même ils nous répugnent. Mais il faut avoir l’honnêteté de dire que si, dans six mois, le vote Le Pen a reculé, les mêmes qui critiquent Guéant aujourd’hui se réjouiront de ce résultat au nom de la démocratie.
Une part déterminante de l'insécurité dans la présidentielle ?
Moins qu’en 2002 et en 2007. Pas parce que les problèmes sont résolus – les polémiques sur les chiffres ne veulent rien dire. Non, parce que la crise et le chômage inquiètent beaucoup plus les Français. Mais la sécurité reste un sujet très clivant entre la droite et plus la gauche et plus on va s’approcher de l’élection, plus Nicolas Sarkozy va chercher à souligner les différences. En lisant « Libération » d’hier, il a dû se dire que c’est une tactique qui marche plutôt bien.
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