Harcèlement à l'école: "Comment je suis passé du statut d'harcelé à celui d'harceleur"

Ce mercredi dans son émission 100% Bachelot sur RMC consacré au harcèlement à l'école, Roselyne Bachelot a recueilli le témoignage de Kevin, ancien élève harcelé puis harceleur, aujourd'hui professeur de CM2. Chaque jour des centaines de milliers d'élèves sont touchés, et trois à quatre adolescents en moyenne se donnent la mort chaque année pour mettre fin à cette souffrance.
"Je suis rentré au collège avec un an d'avance et je me suis retrouvé en 6e avec des élèves qui avaient deux ans de retard, donc trois ans de plus que moi. Donc il y avait un écart au niveau de la maturité et en plus j'étais un des meilleurs élèves. Du coup j'ai été catalogué comme l'intello de la classe et j'ai été stigmatisé pour ça. Le harcèlement était autant verbal que physique. Je me souviens d'un voyage en car au cours duquel les autres élèves n'arrêtaient pas de me traiter d'intello, en boucle :'intello, intello, intello…' Ça paraît anodin mais quand c'est répété quotidiennement ça marque.
Si on ne m'a jamais battu, on me mettait régulièrement une tape derrière la tête quand je répondais à une question, on retirait ma chaise avant que je m'assois, déclenchant les rires de toute la classe…
"Je voulais à tout prix être du bon côté"
Je n'ai d'abord pas parlé du harcèlement à mes parents, mais ils s'en sont rendu compte quand mes notes ont baissé. Là, l'équipe enseignante a très bien réagi en organisant une rencontre de toute la classe avec des éducateurs et des profs. On a parlé de la situation, ce qui a mis fin au harcèlement. J'ai même refusé de changer de classe.
Au début de 5e le harcèlement a recommencé. Mais j'avais pris en maturité, et après m'être fait bousculer dans la cour, j'ai mis mon poing dans la figure de la personne qui m'avait bousculé en me relevant. D'un seul coup le regard des autres a changé et je suis sorti de cette spirale. Cette année-là, un autre élève subissait lui aussi un harcèlement. Et moi, sortant justement de ce statut de harcelé et voulant à tout prix m'intégrer dans le groupe et être du 'bon côté', je suis rentré dans ce groupe de harceleur. Et j'ai fait sur cet élève ce que j'avais moi-même subi.
"La prévention auprès des parents est essentielle"
Cette expérience me sert maintenant que je suis enseignant en primaire, notamment avec le harcèlement numérique qui se développe. La vigilance doit être de tous les côtés: enseignants, parents d'enfants harcelés et parents d'enfants harceleurs ou d'enfants témoins de ces actes. L'essentiel, c'est la prévention. Quand on commence à s'apercevoir d'un cas, on essaie de le traiter au niveau de l'école, et on essaie d'en parler avec les parents.
La conclusion à laquelle je suis arrivé, c'est que ceux qui ont le plus de pouvoir pour mettre fin au harcèlement, ce sont les parents des harceleurs. C'est le discours que je tiens aux parents. Moi je n'ai pas de souci dans ma classe, mais dès la première réunion de parents, je tiens à parler de ce sujet pour les sensibiliser. Et c'est quelque chose dont on parle avec les enfants: c'est maintenant écrit noir sur blanc dans le programme d'éducation civique et moral.
Au début du quinquennat de François Hollande, une campagne de prévention avait été lancée avec des vidéos supports pour la classe, et c'était une très bonne chose. Ces supports vidéos et pédagogiques sont un outil indispensable pour parler de ce problème en classe. On n'évitera pas le harcèlement, mais si on peut le limiter, ce sera déjà une réussite".
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