Hard discount pour le mammouth ?
Après la grande manifestation parisienne du 19 octobre (80.000 personnes qui ont choisi de ne pas se reposer ce dimanche-là !), il apparaît de toute évidence que la principale préoccupation des professionnels de l'éducation reste celle des « moyens ». Non pas d’en avoir plus d’ailleurs, mais juste de cesser d’en perdre !
Ce n’est pas la seule bien sûr puisqu’elle côtoie l’inquiétude liée à la dérive autoritaire et libérale actuelle, mais c’est peut-être la plus ambiguë. Certes, cela n’a pas empêché un fort soutien populaire (69 % des Français, jusqu'à 78 % des parents d’élèves) mais devant ce qui pourrait s'apparenter à une jérémiade lancinante, que peut bien en penser le Français... moyen ?
Car de quoi parle-t-on au juste ? Fin des salaires débonnaires ? Stylos Mont-Blanc pour les montagnes de copies ? Cartables Cartier ? Sport en Dior ? Thalasso quand on en a plein le dos ? Stock-options si mutation ? Pas vraiment... Oubliez vite Rolex, yacht et jets privés ! Les moyens réclamés sont essentiellement humains : une infirmière dans chaque lycée, des remplaçants en cas de nécessité, des surveillants pour encadrer, des maîtres spécialisés pour enfants aux graves difficultés, des équipes au complet pour prendre en main un collège à remettre sur pieds...
Est-ce du luxe ? Qui en sont les bénéficiaires sinon les élèves ? Le Ministère lui-même sait bien que la question des effectifs est déterminante puisqu'il a ordonné au primaire la mise en place de l'aide personnalisée et réclamé celle de stages de remise à niveau avec des petits effectifs (6 élèves) ! D'ailleurs, les établissements privés jouent souvent de cet argument du « moins d'élèves » pour attirer la clientèle. C'est bien la preuve que quelque chose se joue alors de différent, tant dans la relation que pour les apprentissages.
Donc, si l’Education est nationale, matériellement la mise en œuvre reste locale : communale pour l’école, départementale pour le collège et régionale pour le lycée. Le budget de l’E.N. est ainsi constitué pour l’essentiel de salaires. C’est tout, même si c’est beaucoup (près de 58 milliards d’euros pour 13 millions d’élèves). Mais pour une fois à l'école, des « moyens » c'est « très bien » ! D’ailleurs, les instits ne sont pas les derniers à se démener sur leur temps personnel pour trouver des financements : vente de tee-shirts ou de photos, grilles de tombola, stands à la fête de fin d’année, loto, bal, lâcher de ballons ! Nous sommes même experts en foire à tout et vide-grenier pour trouver des petits vélos en maternelle ou enrichir la bibliothèque de classe à moindre frais !
A quoi joue-t-on alors avec cette logique low cost d'économie de bouts de chandelle ? La suppression annoncée de 13.500 emplois dans l’éducation permettra d’économiser moins d’un milliard… Eh oui : la répartition des élèves du maître malade, ce pion seul pour 500 collégiens, moins d’enseignants spécialisés pour les élèves handicapés, des classes surchargées de la maternelle au lycée et des dizaines de milliers d’étudiants rejetés des métiers de l’éducation… tout ça pour ça ! Serions-nous à ce point moins importants à sauver que n'importe quelle banque en déroute ?
A tire d’exemple, un centre éducatif fermé qui accueille huit jeunes délinquants mobilise plus de 24 adultes ! Où sont les économies ? Quand explose la surpopulation carcérale, on pense à Hugo pour qui « celui qui ouvre une porte d'école ferme une prison ». A l’heure où l’éducation est systématiquement présentée comme une charge et non un investissement, je vous laisse méditer la fameuse formule d’Abraham Lincoln : « Si vous trouvez que l’éducation coûte trop cher, essayez l’ignorance » !
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