Comment lutter contre l'hypocondrie ?
Brigitte Lahaie : Michel Lejoyeux, comment lutter contre l’hypocondrie ?
Michel Lejoyeux : C’est un vrai sujet, et c’est un sujet de plus en plus important à l’époque du principe de précaution, à l’époque où l’on nous annonce une nouvelle maladie tous les jours, où il faut se prémunir de tout. Si on revient à une conception qui était celle de Freud, Freud disait « l’hypocondrie ça s’appelle une névrose actuelle ». Vous savez ce qu’il disait Freud ? Il disait : « si les gens sont hypocondriaques c’est parce qu’ils fixent leur libido sur leurs organes, parce qu’ils ne se servent pas assez de leurs organes sexuels pour exprimer leur libido ». Donc au fond, pour Freud, l’hypocondrie c’est la libido qui tombe sur les organes. Ça veut dire qu’on s’excite sur une maladie.
B. L : Mais le fait d’être hypocondriaque ça veut dire qu’on a l’impression qu’on est tout le temps malade.
M. L : C’est plus que ça, ça veut dire qu’au fond on a du plaisir, un plaisir inconscient évidemment, mais un plaisir à consulter puisque la définition de l’hypocondrie c’est l’impression d’être toujours malade et le fait de ne pas être rassuré par une consultation qui vous dit que ce n’est pas grave, et le fait de recommencer une consultation. Je me souviens d’une patiente qui avait la peur d’être contaminée par le VIH. Elle se faisait faire des sérologies régulières, et elle se disait « est-ce qu’au moment où l’on me pique pour faire la sérologie on ne risque pas de me contaminer ? ». Et elle recommençait à chaque fois. Vous voyez ça c’est un exemple.
B. L : D’accord, mais est-ce qu’elle faisait l’amour quand même ?
M. L : De moins en moins justement. Et c’est un des sujets, c’est d’apprendre à l’hypocondriaque à réinvestir son corps sur un mode affectueux, sur un mode sexuel plus que sur un mode médical.
B. L : La manière dont on va avoir un rapport avec son corps est très intéressante à observer aussi bien sur le plan de la sexualité que sur le plan de la santé.
M. L : Tout est affaire de croyance. Quel sens on donne aux petits symptômes ? Notre corps a en permanence des petits symptômes, est-ce qu’on leur donne une signification catastrophique ou pas ? Il y a un petit « truc » psychologique avec lequel on joue en consultation avec le patient, c’est ce qu’on appelle le « jeu du pire ». Ceux qui vous disent : « j’ai toussé, ça doit être grave ». Et on les fait aller jusqu’au bout de ce raisonnement absurde pour qu’ils se rendent compte, et peut-être qu’ils en aient un peu moins.
B. L : Merci de cet éclairage.