Jean-Louis Guihéneuf, l'invité de 15h30 du 09/12

Jean-Louis GUIHENEUF, 58 ans, Commandant de Police Honoraire (1er mars 2014)
FORMATION
2010 Master droit pénal et pratique du droit pénal. Faculté de droit Jean Monnet, Université Paris 11.
2010 Diplôme de criminologie. Chaire de Criminologie appliquée (CNAM).
2005 Diplôme Universitaire de 3e cycle de médecine légale-thanatologie. Université de Versailles Saint
Quentin en Yvelines (78).
1982 Diplôme de l' École Nationale Supérieure des Officiers de Police.
1981 Licence en droit. Faculté de droit Jean Monnet, Université Paris 11.
CARRIERE PROFESSIONNELLE
DRJP Versailles
2008 - 2014 Commandant de police à l'échelon fonctionnel, adjoint du chef de la brigade criminelle de la DRPJ de Versailles.
2007 - 2008 Commandant de police à l'échelon fonctionnel, adjoint du chef de la police judiciaire d'Evry.
1996 - 2007 Brigade criminelle. Commandant de police, chef d'un groupe d'enquête.
DRPJ Paris
1986 - 1996 Brigade des stupéfiants. Capitaine de police.
1982 - 1986 Brigade de protection des mineurs. Lieutenant de police.
ACTIONS DE FORMATION
Membre du jury du concours de lieutenant de police.
Membre du jury du concours de gardien de la paix.
Formateur à l'examen professionnel d'officier de police judiciaire.
Intervenant auprès des médecins préparant la capacité de pratiques médico-judiciaires à l'Université René Descartes Paris 5.
La prostitution librement choisie
La prostitution est un sujet d'actualité qui a fait ces derniers temps l'objet de débats passionnés à la suite d'une proposition de loi, déposée devant l'Assemblée Nationale en décembre 2011, qui visait à sanctionner les personnes qui avaient recours à « l'achat d'actes sexuels ».
Cette loi avait pour objectif de lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains en diminuant la demande par la pénalisation des clients.
Malgré de nombreuses critiques sur le fait de poursuivre les clients des prostituées, cette mesure innovante dans le droit français a toutes les probabilités d'être maintenue. Par contre, le délit de racolage passif serait aboli.
Ce projet de loi a eu le mérite que l'on s'intéresse de plus près aux personnes qui se livrent à la prostitution.
La loi pénale actuelle n'interdit pas à une personne majeure de se prostituer mais elle sanctionne par contre tout ce qui pourrait être démarchage ou publicité à ce sujet. C'est à dire le racolage actif et même passif.
C'est méconnaître la réalité que de proclamer que toutes les personnes qui se livrent à la prostitution le font contraintes et forcées.
Il existe des femmes et aussi des hommes qui ont choisi librement de faire le commerce de leur corps et qui refusent d'être comparés aux jeunes femmes qui agissent sous la coupe de proxénètes.
Quelle est la réalité aujourd'hui de la prostitution librement consentie ?
Les professionnels qui luttent contre les réseaux de prostitution ou qui portent assistance aux prostituées sont amenés à rencontrer des jeunes femmes et parfois des hommes qui affirment avoir librement choisi cette activité qu'elles considèrent comme un « vrai métier » et refusent le qualificatif péjoratif de prostituée.
Ces personnes agissent de façon indépendante en dehors de toute organisation ou de réseaux de prostitution et certaines n'hésitent pas à revendiquer publiquement par l'intermédiaire d'un syndicat, le STRASS (syndicat du travail sexuel) leur désir de liberté.
Ces personnes souhaiteraient que leur activité à caractère sexuel puisse être reconnue et réglementée afin qu'elles ne l'exercent plus dans l'illégalité et la clandestinité.
Elles s'appuient sur le principe que chacun est libre de disposer de son corps.
Le plus souvent, cette forme d'activité fonctionne de la façon suivante.
Des femmes passent des annonces dans des journaux à publication gratuite ou tout simplement par internet sur des sites de rencontres. Elles y proposent un moment de relaxation à connotation sexuelle. Elles reçoivent leurs clients à domicile ou elles se déplacent chez eux.
Elles travaillent seules et gardent pour elles l'intégralité de leur bénéfice.
Mais cette activité n'est pas sans risque.
Il arrive que des voyous repèrent ces femmes et, sous la menace de violences ou de dévoiler leur activité à leur entourage, ils les obligent à se prostituer pour leur compte.
D'après les policiers chargés de la lutte contre le proxénétisme, les victimes sont souvent de jeunes femmes sans suffisamment d'expérience de la vie. Elles deviennent la proie de ce genre d'individus qui sont souvent de petits caïds de cité. Ils trouvent cela plus rentable et moins risqué que le trafic de drogue.
Et même si ces faits sont dénoncés à la police et amènent à l'interpellation de ces délinquants, une longue enquête est souvent nécessaire pour établir de façon indiscutable les faits. Pendant ce temps, la jeune femme reste sous la coupe de son souteneur.
Mais qu'en est-il des clients de la prostitution ?
En ce qui concerne les clients, il est également important de rappeler que, pour de nombreux hommes mais aussi des femmes, le recours à l'achat d'actes sexuels est le seul moyen d'avoir un plaisir de cette nature autre que celui de la masturbation.
En effet, il est des personnes qui se trouvent dans l'impossibilité mentale ou physique de rencontrer un partenaire avec qui partager une relation sexuelle. Les causes sont diverses mais bien réelles. Ce peut être un excès de timidité ou un âge trop avancé pour avoir la capacité de séduire. Il existe aussi des personnes qui souffrent d'un handicap physique qui altère leur mobilité mais pas leur désir sexuel.
Des jeunes femmes qui se prostituent librement racontent qu'elles finissent par fidéliser une partie de leur clientèle et que certains hommes viennent les voir autant pour avoir un rapport intime que pour bavarder.
On est loin de la prostitution glauque et déshumanisée où le rapport sexuel se déroule de façon furtive dans un bosquet ou à l'intérieur d'un véhicule.
Le fait que le dépôt de cette proposition de loi remonte à l'année 2011 montre que réglementer la prostitution est particulièrement complexe à réaliser.
Autant l'ensemble de la classe politique est unanime pour lutter contre le proxénétisme, autant elle se divise quand il s'agit de réglementer l'achat de sexe.
Il ne s'agit pas de mettre tout le monde d'accord et de faire de la prostitution une liberté fondamentale.
Il s'agit simplement de reconnaître que des personnes réclament le droit de disposer librement de leur corps en monnayant des actes à caractère sexuel, ainsi que l'utilité de cet acte sexuel tarifé pour les personnes qui sont dans l'incapacité d'avoir une vie sexuelle traditionnelle.
Au final, une loi n'est efficace que si elle répond aux attentes des personnes directement concernées et il n'est pas certain que jusqu'à maintenant celles ci aient été suffisamment écoutées.
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