Quand le jeu devient hors jeu...
Les 4 « clasico » à l’affiche en ce moment proposent un bout d’histoire du foot absolument passionnant. Une victoire en Coupe du Roi, compétition mineure en Espagne, est ainsi devenue cette année un véritable événement. Au-delà de la rivalité Real/Barça maintes fois évoqué, on a le droit cette fois à une opposition stylistique qui mérite d’être observée de près.
Battre le Barça relève donc de l’exploit. Même pour un club aussi monstrueux que le Real, même pour une équipe qui dépense sans compter, battre le Barça semble être devenu une performance hors du commun. C’est dire où se situe déjà ce Barça dans l’histoire du foot. Mais battre le Barça est-il si difficile que cela ? En théorie, non, en pratique, oui évidemment. Sans diminuer les qualités de coach de Mourinho, dire qu’il invente quelque chose ou plus simplement, dire qu’il met en place un système tactique original face au Barça serait parfaitement exagéré pour ne pas dire incongru. Beaucoup de coachs de L1, Jean Fernandez par exemple, auraient fait la même chose. Avoir aligné Pepe au milieu n’est en rien une « trouvaille », le Portugais a déjà joué à ce poste notamment avec sa sélection. Qu’a dit Mourinho après le match ? « Pour moi bien jouer, c’est contrôler, bien défendre et bien couvrir » ! Son analyse fut ensuite complétée : « L’équipe a beaucoup travaillé, elle a montré beaucoup de caractère, de qualités physiques et psychologiques » ! Aligné en 8/1/1, le bloc a d’abord livré un combat, le plus souvent positionné derrière le ballon (parfois les 10 joueurs !)
Mais attention, là ou l’analogie avec une tactique L1 s’arrête, c’est que tous les joueurs sont bons techniquement. Ne me faites pas dire, penser des horreurs, on parle là d’une équipe composée de beaucoup de talents. Ceci permettant dès la récupération, la 2e partie du plan : Verticalité rapide. Il faut pour ça, avoir une bonne qualité de passe et des bons joueurs devant pour exploiter les opportunités de marquer. Le Real dispose évidemment de toutes ces qualités. Mettre une équipe pour défendre, se battre, exploiter le moindre ballon, accepter de ne pas avoir le ballon (même si sur la finale l’écart ne fut pas énorme), de subir, exige entre autre : Précision, concentration, abnégation, qualités pas évidentes à obtenir de joueurs confirmés qui plus est quand ils ont des statuts de stars. Courir derrière le ballon peut en effet perturber les egos. C’est là que réside la force de Mourinho. Mettre en place le plan est aisé, l’appliquer bien plus rude.
Le Real l’a donc fait et mérite de vraies félicitations. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Guardiola : "Bravo le Real" ! Sauf que je ne le crois pas sincère. Fils spirituel de Cruyff, le Catalan est un intégriste du jeu. Gagner comme l’a fait le Real, ça ne l’intéresse pas. Les deux sont convaincus que même battus, ils sont gagnants. Federer peut bien perdre contre Nadal, les puristes/intégristes diront toujours que de toute façon, c’est le Suisse qui dispose du talent naturel, l’autre restant au mieux un merveilleux laborieux. Cruyff a même dit récemment que Mourinho n’était pas un entraîneur de foot. Je crois que l’intégrisme est dangereux en tout domaine, même en foot. Et la phrase de Cruyff nous renvois à l’arrogance coupable dont il avait fait preuve avant la finale de LDC de 94 ! Il ne peut pas y avoir qu’une seule façon juste de jouer. Une sorte de bien ou mal du foot ! Tu es doué, surdoué ou rien ! Et pourquoi pas une glissade dans l’eugénisme tant qu’on y est… Guardiola devrait plutôt se demander pourquoi il a échoué. Pourquoi ses « doués » sont fatigués. Buter sur un mur quand on n’est pas au mieux, n’est-ce pas la preuve d’une réflexion limitée. « Le jeu, le jeu, le jeu », oui on adore ça, mais est ce que cette idéologie doit forcément tourner le dos à toute forme de pragmatisme ? Incompatible me direz-vous ? Certainement. Guardiola devait-il mettre Mascherano en défense centrale et laisser Busquets au milieu ? Le choix est curieux. C’est un peu comme si finalement Guardiola repoussait la réflexion, ignorait l’adversaire. J’ai pas de défense, mais c’est pas grave. C’est comme s’il était enfermé, embrigadé dans son dogme. On dit souvent de Mourinho qu’il est arrogant, peut-être, mais Guardiola est-il, dans un autre genre, si différent ?
Très vite les deux plus importantes rencontres de cette opposition vont arriver, qui plus est dans la compétition reine, la LDC. Sans présager de l’issue du double duel, on sait tout de même à l’avance ce qu’on va voir. Et même si chacun de nous a sa préférence, on se gardera de juger le jeu proposé de façon manichéenne…
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