L’évidence paralyse la démonstration…
Réponse à mon confrère Cédric Rouquette d’Eurosport et à son billet sur le Barça. Je disais samedi soir que « ne pas aimer le Barça, c’est ne pas aimer le foot ». L’échange continue…
Oui, il est donc possible de ne pas aimer le Barça. La précision est utile parce qu’en lisant les commentaires ici et sur le blog de mon confrère, j’ai noté que certaines personnes s’exprimaient à contre-courant d’un unanimisme qui pourrait sembler évident. Aussi et parce que l’évidence peut souvent être source d’ignorance, comme l’adhésion irrationnelle à un dogme, on se doit d’expliquer pourquoi ce Barça doit, à défaut d’être aimé, au moins éminemment respecté. Devant un match de foot, il n’est pas rare que le commentateur parle d’une partie ou d’un geste en empruntant un langage relatif à l’art. Le match comme une pièce d’art dramatique, le joueur comparé à l’artiste… Le propos est connu. Mettons de côté la question de l’universalité de l’art, de sa perception, de l’objectivité et du désintéressement ou du degré d’implication face à l’œuvre, ce n’est pas le sujet…Quoique… L’œuvre universelle, le match universel existent-t-ils ? Les fans italiens, argentins, brésiliens, allemands, français auront-ils le même match référence ? Je ne prends aucun risque en disant que cela semble impossible. Le sport ne se satisfait pas de critères émotionnels ou esthétiques communs. L’idée d’appartenance à un club, un pays, une communauté, les préférences personnelles éloignent les supporters. En sport, l’émotion prend souvent le pas sur la raison. Qui sera touché par le parcours des Bleus en 1998 en dehors d’un Français ? Le France/Brésil 1986 appartient à l’histoire du foot ? Ça vaut aussi pour un Anglais ? Pas sûr ! La main était de Dieu en Argentine, elle est celle d’un vulgaire bandit pour les Anglais… Et si on parle de façon de jouer, de beau jeu, les différences d’appréciation seront encore plus nettes. Peut-on parler d’un critère esthétique unique en foot ? Je ne crois pas. C’est mieux de gagner en jouant bien ? Mais qui sait ce que bien jouer veut dire ? Qui détient la vérité à ce sujet ?
J’ai dit récemment que ne pas aimer le Barça, c’est ne pas aimer le foot. Radicale, cette phrase peut choquer. Le supporter du Real n’aime pas, par chauvinisme et parce qu’il ne peut pas, par passion, dépasser l’antagonisme entre les deux clubs. Il faut aussi concevoir qu’on puisse aimer une autre façon de jouer. Plus directe, moins soignée, moins câline. Transcender ses préférences, ses préjugés, sa culture pour arriver à une admiration béate du Barça, j’en conviens, n’est en rien obligatoire. Elle peut signifier néanmoins une faute de goût. Mais on peut aussi admirer, et c’était mon cas, la façon dont l’Inter de Mourinho avait battu le Barça. On peut préférer Nadal à Federer. Mais peut-on nier le génie et la classe du joueur suisse ? Ne risque-t-on pas, dans ce cas, le dérapage vers l’ignorance ? Comme dans beaucoup d’autres domaines, il y a peu d’invention dans le sport, de création. Le foot n’échappe pas à la règle. Certaines équipes ont marqué l’histoire de ce sport. Parce qu’elles ont gagné ou parce qu’elles ont inventé une nouvelle façon d’approcher le jeu. Le Barça a fait les deux ! On peut ne pas aimer le film de tel ou tel réalisateur, mais j’ai toujours cru que le film dit « d’auteur » devait au moins être respecté. C’est précisément de cela dont il s’agit quand on parle du FC Barcelone de Josep Guadiola. Sa place définitive dans l’histoire du foot n’est pas actée, mais comment douter que nous sommes en présence d’un « moment » à part. Ne pas l’admettre (je ne dis pas se soumettre) confine, selon moi à l’ignorance. Les plus grands coachs veulent tous savoir, comprendre. Cela frise parfois même l’obsession et clairement Guardiola s’est imposé comme une référence mondiale. Au-delà de ce que nous sommes et aimons, ce Barça doit rassembler, au moins, pour ce qu’il apporte de nouveau à notre sport. Face à cette équipe, on se retrouve dans le camp de ceux qui disent : « non, moi je n’aime pas untel ou untel, j’aime le foot avant tout ». En quelque sorte, ce Barça nous transforme tous en footix. Il ramène le sport à l’état initial de jeu…
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