La baisse d’impôts de Hollande est une opération purement politique
Hervé Gattegno est revenu ce mardi sur la baisse d'impôt annoncée par le gouvernement pour 2016. Il estime qu'il est "évident que François Hollande veut tirer un profit politique de ces baisses". "D'ailleurs l'Elysée ne le cache pas vraiment", souligne-t-il.
Le gouvernement prépare une baisse de l’impôt sur le revenu pour une partie des classes moyennes dont le montant pourrait atteindre deux milliards d’euros. Le président de la République l’annoncera la semaine prochaine dans sa conférence de presse. Votre parti pris : la baisse d’impôts de Hollande est une opération purement politique. Vous en êtes sûr?
C’est évident et d’ailleurs, l’Elysée ne le cache pas vraiment. François Hollande veut tirer un profit politique de ces baisses, de deux façons.
1. Il va dire que le temps est venu de redistribuer du pouvoir d’achat parce que sa politique produit des résultats – ce qui n’est pas vrai.
2. Il va expliquer, et là il aura raison, que baisser l’impôt des classes moyennes inférieures est une mesure de justice sociale – jusqu’à présent, il n’a baissé que l’impôt des plus démunis.
Donc c’est une opération à but politique – et même électoral. Après les hausses massives du début de son mandat, voilà au moins une courbe que François Hollande va réussir à inverser.
Justement, on a reproché à François Hollande d’avoir provoqué un "ras-le-bol fiscal" au début de son mandat ; même si elles sont politiques, est-ce que les baisses qu’il promet ne vont pas dans le bon sens?
Si on le pense, il faut reconnaître que ces baisses d’impôts pour le pouvoir d’achat des ménages, c’est ce que lui réclamaient les frondeurs du PS, que Manuel Valls et Michel Sapin ont décrits comme des zozos. François Hollande leur donne raison – en mettant Valls et Sapin devant le fait accompli. Et au prix d’explications alambiquées. Il a d’abord dit que les baisses d’impôts dépendraient de l’état de nos finances, puis du niveau de la croissance, puis qu’elles auraient lieu de toute façon. Ça pose une vraie question : si on peut aujourd’hui baisser les impôts alors que la croissance est infime sans aggraver les déficits, qu’est-ce qui obligeait à les augmenter autant en 2012 et en 2013 ? Disons que si la politique fiscale de François Hollande n’est pas erronée, elle est au moins erratique.
Précisément : on parle de deux milliards de réduction de l’impôt sur le revenu. Est-ce que c’est une mesure qu’il est possible de financer?
C’est toujours possible ; tout dépend comment. Michel Sapin a dit que la somme serait dégagée grâce à des économies sur la dépense publique – il reste à dire où et comment. Il faut déjà faire 14 milliards d’économies pour 2016, et en dehors des collectivités locales, on n’a pas bien compris où il compte serrer la vis. Ce qui se dit, c’est que Bercy pourrait aussi profiter des taux d’intérêts qui restent plus bas que ce qui avait été prévu dans le budget, ce qui réduit mécaniquement la charge de la dette. Si c’est le cas, ce sera une mesure financée par un effort… d’écriture.
Vous parlez d’opération électoraliste : est-ce que, d’après vous, ces baisses d’impôts ciblées peuvent avoir un impact sur la situation de François Hollande d’ici à 2017?
C’est un pari – pas un pari fou mais un pari flou. Il faut voir combien de ménages seront concernés mais a priori, ces contribuables-là sont plutôt acquis à la gauche, ce qui permet à François Hollande d’espérer étayer sa base électorale. En revanche, ça peut irriter les classes moyennes supérieures, qui ont largement voté pour Hollande en 2012 et qui souffrent de sa politique fiscale depuis 2012 – c’est à double tranchant. Comme le prélèvement à la source, qui va être engagé mais pour après 2017. C’est la différence entre une annonce qui a un effet et… un effet d’annonce.
Hervé GATTEGNO