"La justice ne peut pas être l’otage de pressions médiatiques ou politiques”: colère des magistrats après l'intervention de Nicole Belloubet dans le dossier Traoré

Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité magistrats FO dénonce des dysfonctionnements et parle de pressions.
“C’est du jamais-vu”. Alors que Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, a proposé à la famille d’Adama Traoré, de les recevoir dans un contexte de dénonciation de violences policières, nombre d’avocats se sont offusqués de cette immiscion du gouvernement dans le système judiciaire.
“Dans notre pays, la justice ne peut pas être l’otage de pression médiatique, ou politique”, affirme Béatrice Brugère, secrétaire générale du syndicat Unité magistrats FO.
Pourtant, la semaine dernière sur RMC, la ministre de la Justice avait assuré qu’elle ne s'immiscerait pas dans ce dossier. Selon des informations de l'AFP, c’est le président de la République, Emmanuel Macron, qui aurait demandé à la garde des Sceaux de "se pencher sur le dossier de la mort en 2016 d'Adama Traoré". Une information démentie depuis par le ministère de la Justice.
“Nous ce qui nous intéresse, c’est que la justice puisse fonctionner de manière sereine et dans un cadre institutionnel qui n’amène pas à une confusion. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Aujourd’hui, on est fasse à un emballement médiatique, sur une affaire qu’on met souvent en parallèle avec une autre aux Etats-Unis, alors qu’on pourrait penser que ce parallèle est un peu rapide. Mais surtout ce que veulent les magistrats, c’est que cette confusion ne crée pas une défiance et un soupçon sur les enquêtes en cours. C’est pour ça que l’indépendance de la justice est une garantie constitutionnelle dans notre pays”, affirme-t-elle.
Pire que l'affaire Léonarda
L’invitation de la ministre de la Justice était restée sans réponse. En effet, la famille d’Adama Traoré avait refusé l’invitation en demandant des “actes” pas des “discussions dans un salon de thé de l'Elysée”.
“La famille demande à la ministre de s’immiscer dans un dossier qui aujourd’hui est à l’instruction avec des magistrats du siège qui sont indépendants, qui font une enquête, où il y a des contre-expertises, ce qui est une explication de la durée de la procédure mais pas que. Et il y a des possibilités de faire avancer une enquête”, indique-t-elle.
Elle ajoute qu’alors que les magistrats attendaient au début du mandat d’Emmanuel Macron une grande réforme sur l’indépendance de la justice, celle-ci n’a pas eu lieu. Et les récents événements, ne vont pas dans le bon sens.
Pour Béatrice Brugère, cette affaire est même pire que l’affaire Léonarda. “Sur celle-ci, c’était le président de la République qui était intervenu. Là, on a le président de la République et la garde des Sceaux”, estime-t-elle. “C’est une séquence incroyable qui est en train de se passer”, conclue-t-elle.
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