La modernité de Macron a pris un coup de vieux

Hervé Gattegno a donné son point de vue sur le nouveau recours de la loi 49-3 pour faire adopter définitivement la loi Macron.
La loi Macron "pour l’activité, la croissance et l’égalité des chances économiques" a enfin été votée hier par les députés. Pour la troisième fois, Manuel Valls a utilisé l’article 49.3 pour faire adopter le texte. Votre parti pris : la modernité de Macron a pris un coup de vieux. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Rappelez-vous la promesse de François Hollande : Emmanuel Macron devait donner un "coup de jeune" au gouvernement et à l’économie française. Avec sa loi, tous les blocages devaient sauter et la croissance repartir comme par enchantement. Hier, Manuel Valls avait plutôt l’air désenchanté en défendant un texte qui est devenu un fardeau, devant un hémicycle quasi désert. Ce n’était pas l’image de la modernisation annoncée. L’examen de la loi a traîné en longueur – et sept mois de débats lancinants pour un résultat qui est loin d’être hallucinant, il y a de quoi faire perdre de sa fraîcheur au fringuant ministre de l’économie. Celui qui devait donner un coup de jeune a déjà pris un coup de vieux.
Curieusement, l’article 49.3 avait enflammé le débat au début de l’année et cette fois, on a eu l’impression que c’était devenu banal. La majorité est rentrée dans le rang ?
Manuel Valls avait dit assez nettement qu’il utiliserait le 49.3 pour que les frondeurs ne se fassent pas d’illusion. Et puis au moment où l’Europe est en pleine crise avec l’affaire de la dette grecque, il aurait été indécent que les socialistes s’écharpent autour du travail du dimanche – d’ailleurs, la droite aussi a renoncé à guerroyer puisqu’elle n’a pas déposé de motion de censure. La vérité, c’est que sur le fond, la droite aime mieux ce texte que la gauche ; qu’à l’arrivée, la loi Macron est plus un catalogue de petites mesures qu’une grande loi économique. Emmanuel Macron a eu l’intelligence de promettre une évaluation régulière des effets de sa loi. Il a eu les députés à l’usure ; on jugera à l’usage.
Manuel Valls a salué l’adoption du texte sur Twitter avec cette phrase : "Du concret pour les Français". A votre avis, on peut vraiment dire ça de la loi Macron ?
Il y a des mesures qui vont entraîner des changements perceptibles (tarifs des notaires, permis de conduire). Pour autant, personne ne pense sérieusement que cette mosaïque de petits changements va changer l’économie en profondeur ni relancer la croissance – encore moins l’emploi. Le dispositif sur l’ouverture des magasins le dimanche prévoit au mieux un dimanche par mois et dans les zones touristiques, les syndicats pourront l’empêcher. En revanche, le recours au temps partiel est facilité dans les entreprises en difficulté et la loi plafonne les indemnités de licenciement – ce sont moins des signes de modernité que de libéralisme. Quant à l’ouverture des lignes de car, c’est peut-être utile mais c’est… le quart d’une réforme.
Une phrase d’Emmanuel Macron a fait jaser cette semaine. Dans une interview à l’hebdomadaire Le 1, il a l’air de regretter que la France n’ait plus de roi. Vous croyez que c’est un lapsus ?
Je ne crois pas qu’Emmanuel Macron soit un crypto-monarchiste ; ce serait plutôt le roi de la gaffe. Quelques jours avant, il s’était risqué à une comparaison entre Syriza et le FN qu’il a été obligé de rectifier à toute vitesse. Là, c’est une interview qui n’est pas sans intérêt – mais bouder la cuisine politique, c’est bien ; succomber à la cuistrerie philosophique, pas forcément. Visiblement, il ne s’est pas rendu compte qu’en parlant du "vide" laissé dans notre vie politique depuis la fin de la monarchie, il risquait d’être mal compris – d’autant qu’il dit aussi qu’on aurait besoin de plus de "verticalité" dans la prise de décision. Pour un ministre de M. Valls, c’est ce qui s’appelle se montrer plus royaliste que le roi…
Hervé GATTEGNO