La Tchétchénie, "un pays de musulmans modérés radicalisés par des années de guerre"

La journaliste Anne Nivat, qui a couvert notamment les deux guerres en Tchétchénie, était l'invitée de Bourdin Direct ce lundi. Elle a expliqué comment le pays d'origine de l'auteur de l'attentat de l'Opéra, ce samedi, avait basculé dans la radicalisation.
Khamzat Azimov, le terroriste de l’attentat de l’Opéra, samedi à Paris, était un jeune français d’origine tchétchène. Il est né en Tchétchénie en 1997, un pays déchiré par deux guerres contre l'Etat russe (entre 1994 et 1996, et entre 1999 et le début des années 2000). Des guerres qui ont provoqué une radicalisation d'une partie de ces musulmans à l'origine plutôt modérée, explique ce lundi dans Bourdin Direct Anne Nivat, reporter de guerre qui a passé plusieurs années en Tchétchénie. "Les tchétchènes sont des musulmans sunnites, comme la grande majorité des musulmans dans le monde. Ce sont des musulmans qui pratiquent, chez eux en Tchétchénie, un islam soufi, c’est-à-dire pas du tout extrémiste, plutôt tout à fait modéré. Mais avec ces deux guerres, la violence est arrivée par l'importation d'un islam rigoriste, extrémiste, que les tchétchènes à l'époque appelaient l'islam wahhabite, venant d'Arabie Saoudite."
"Ils ont commencé un combat contre l'Etat fédéral russe pour obtenir leur indépendance, et petit à petit cette guerre est devenue une guerre instrumentalisée politiquement et religieusement. On a alors vu apparaître sur place des combattants qui revendiquaient l'appartenance à un islam extrémiste", poursuit Anne Nivat.
En Syrie, Tchétchènes contre Tchétchènes
Aujourd'hui, des combattants Tchétchènes sont aux côtés de Daesh pour affronter en Syrie les forces russes présentes sur place. Des combattants qui affrontent parfois d'autres Tchétchènes, aux côtés, eux, des forces russes. "Il y a environ 2.000 combattants tchétchènes – peut-être plus, qui combattent en Syrie. Ils n'ont pas vécu cette guerre en Tchétchénie et pourtant ils sont allés combattre les forces russes là où elles se trouvent aujourd'hui, c'est à dire en Syrie. Vous avez donc des combattants affiliés à Daesh qui combattent les forces russes, et d'autres qui sont aux côtés de l'armée fédérale russe et qui protègent les bases militaires russes en Syrie. Cette duplicité des Tchétchènes, on la retrouvait aussi lors des combats en Ukraine", précise Anne Nivat.