La tuerie de Toulouse assombrit le climat, mais éclaire la campagne

À Toulouse, l'épilogue est certainement proche. On peut essayer de tirer les premières conclusions politiques de ce drame : la tuerie de Toulouse assombrit le climat, mais éclaire la campagne.
Il reste, en effet, des zones d'ombre - l'enquête est loin d'être terminée (et il faut espérer que le tueur sera pris vivant pour qu'elle aille jusqu'au bout). Pour ce qui est de la campagne présidentielle, le jeu s'est décanté de lui-même en 48 heures. Les événements ont réinstallé Nicolas Sarkozy en chef de l'État, garant de l'unité nationale et chef des forces de sécurité. Et on a vu clairement qu'il y a, face à lui - ou à côté -, un opposant principal, François Hollande, qui est apparu comme l'autre dirigeant susceptible d'incarner le pays, avec le sérieux et la dignité nécessaires. Les autres candidats sont relégués très loin, marginalisés par des attitudes infiniment plus politiciennes : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon s'injurient par communiqués et François Bayrou, lui, s'est livré à une tentative de récupération qui l'a disqualifié.
Donc Nicolas Sarkozy et François Hollande sortent renforcés ?
Oui. C'était déjà la tendance qui se dégageait des sondages (l'enquête CSA d'aujourd'hui le confirme). Il y a quand même un bémol : pour Nicolas Sarkozy comme pour François Hollande, le climat d'union nationale est aussi un piège. Après les images poignantes d'hier, à Montauban, comment reprendre le débat politique ? Or Nicolas Sarkozy a construit sa campagne sur le clivage, l'affrontement avec François Hollande, avec des attaques très virulentes. Ce sera difficile d'enlever son bel habit de président pour enfiler un treillis de candidat - c'est une tenue moins flatteuse. Quant à François Hollande, il a tout misé sur le rejet personnel de Nicolas Sarkozy. On le voit mal reprendre simplement cette tactique. Surtout qu'on peut supposer qu'après tout cela l'image de Nicolas Sarkozy s'est (au moins un peu) améliorée...
Dès hier, Marine Le Pen a mis en avant la menace de l'islamisme et a affirmé que "la peur" serait un élément important de sa campagne. Peut-elle aussi profiter des circonstances ?
Elle va évidemment essayer. Elle a été soulagée d'apprendre que le tueur se revendiquait d'al-Qaïda, et non de l'extrême droite, et elle n'a pas attendu longtemps avant de retrouver ses marques : la dénonciation du fondamentalisme, si l'on ose dire, ça fait partie de ses fondamentaux. Donc elle va reprendre l'offensive sur la sécurité, l'immigration. Elle va essayer d'instiller le doute sur l'efficacité de la police. Elle va le faire d'autant plus que, jusqu'ici, elle a plutôt raté sa campagne en essayant de se faire passer pour une experte en économie - ce que personne n'a cru et dont ses électeurs, en général, se désintéressent.
Peut-elle réussir à imposer la sécurité comme l'enjeu de la fin de la campagne ?
Ce n'était pas la préoccupation première des Français ; il est sûr que la tuerie de Toulouse redonne de l'importance à ce sujet. Cela dit, Marine Le Pen va se heurter à un double écueil. 1. Comme la police a réussi à cerner le tueur dans un délai record, il n'y a pas eu la psychose qu'on pouvait redouter. 2. Nous avons affaire à un terroriste - ou qui se revendique comme tel - qui a voulu s'attaquer à la France et qui, de fait, a commencé à tirer sur des parachutistes d'origine maghrébine, dont l'un au moins est musulman. On ne peut pas dire que ça renforce la thèse fantasmatique de la cinquième colonne immigrée qui menacerait la France... Le tueur de Toulouse a dit qu'il voulait "mettre la France à genou". Marine Le Pen, elle, voudrait mettre le pays sur les nerfs. Je crois qu'elle n'y arrivera pas plus que lui.
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