"Le Brexit est un précédent, pas un exemple"

EDITO - Les Britanniques se sont prononcés en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. D'après Hervé Gattegno, si ce Brexit est un précédent, il n'est toutefois pas un exemple.
Les Britanniques l'ont décidé, ils veulent sortir de l'Union européenne. Une décision qui marque l'histoire de la construction européenne. Votre parti pris: le Brexit est un précédent, pas un exemple, c’est-à-dire?
C'est un précédent parce que c'est la première fois que dans l'histoire de la construction européenne on ne va plus de l'avant mais on passe la marche arrière. Jusqu'ici la construction européenne ça a toujours été de plus en plus de pays, mais pour la première fois on va résolument en arrière. On prend cette décision à la suite d'un vote populaire. A ce double titre, c'est un précédent et un précédent qui va marquer.
En même temps, on ne peut pas dire que ce soit un exemple ou en tout cas pas un exemple à suivre, parce qu'on mesure dès ce matin les conséquences économiques terribles. L'effondrement de la livre sterling, on ne sait pas combien de temps ça va durer, mais on voit qu'il y a une secousse énorme qui découle d'une chose: la défiance exprimée par l'ensemble des détenteurs de monnaie envers la monnaie britannique et donc envers l'économie britannique. L'économie britannique est fragilisée et probablement le système britannique l'est aussi. De ce point de vue, ce n'est pas un exemple, c'est même peut-être un contre exemple.
Marine Le Pen exige un référendum similaire en France. Est-ce que c’est envisageable?
Oui c'est envisageable, le référendum c'est démocratique, c'est décidé par le président de la République dans des circonstances particulières et on peut absolument considérer que l'appartenance ou non de la France à l'Union européenne relève éventuellement d'un référendum.
Il va y avoir un risque de contagion en France, à l'intérieur des partis politiques et pas seulement à l'extrême droite. Bruno Le Maire réclame déjà depuis assez longtemps dans sa campagne pour la primaire de passer par le peuple pour savoir quel avenir la France doit avoir dans l'Europe. Il y a, on le sait, beaucoup de débats sur la question européenne à l'intérieur du Parti socialiste donc on peut imaginer qu'un certain nombre d'entre eux s'interrogent aussi sur l'opportunité d'un référendum.
C'est très difficile de repousser cet argument puisqu'il a l'apparence de l'ultra démocratie. Moi je pense qu'on peut avoir une campagne référendaire. Probablement pas avant l'élection présidentielle mais peut-être après et s'il faut faire cette campagne, faisons là. On a vu depuis maintenant plusieurs décennies l'Europe se faire sans les citoyens, il est peut-être temps qu'on rappelle les citoyens. Mais il ne faut pas oublier une chose, les citoyens dans une campagne, il faut les convaincre. C'est ce qu'on a oublié de faire sur la question européenne.
Est-ce que le Brexit peut être le début de la fin de l’Union européenne?
Dans un premier temps c'est déjà la fin du Royaume-Uni parce que, probablement, les Ecossais vont vouloir rester dans l'Europe et donc il y a un risque immédiat d'explosion du Royaume-Uni alors que l'Europe, elle s'est faite au départ sans les Anglais, elle peut parfaitement continuer sans les Anglais.
Mais c'est vrai qu'il va y avoir une pression dans toute l'Europe de tous les nationalistes, de tous les partis comparables au Front national qui vont réclamer des référendum et qui vont faire campagne pour sortir. On va entendre comme d'habitude les pro-euroépens dire on a compris le message, on va changer de discours, on va donner du contenu à l'Europe. La vraie question c'est quel contenu il faut donner au projet européen. Ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, c'est qu'on a vu une campagne essentiellement fondée sur la peur. D'un côté la peur de l'immigré, la peur du travailleur étranger qui viendrait profiter des allocations en Grande-Bretagne, la peur de l'autre, la peur du partage. En face les pro-européens n'avaient qu'à offrir la peur du chaos: ce sera terrible si on sort de l'Europe. Ce n'est pas un argument, il faut dépasser ça. Au fond, vous avez d'un côté la peur de l'étranger, de l'autre la peur de l'inconnu. Les Britanniques ont choisi l'inconnu.
Hervé GATTEGNO
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