Le mandat présidentiel unique est une mauvaise réponse à une bonne question
Hervé Gattegno a commenté le rapport du groupe de travail sur l'avenir des institutions, mené par le président de l’Assemblée Claude Bartolone, et l'historien Michel Winock.
Le groupe de travail formé par Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, pour réfléchir à une réforme des institutions présente ses conclusions. Il propose notamment que le président de la République soit élu pour sept ans et non renouvelable. Votre parti pris : le mandat présidentiel unique est une mauvaise réponse à une bonne question. Pourquoi cela ?
Si on considère – et c’est mon cas – que le vice principal de nos institutions est leur caractère monarchique, avec la concentration des pouvoirs et l’irresponsabilité d’un homme au sommet de l’Etat, le mandat unique revient à soigner le mal par le mal. Déjà, le président n’a aucun compte à rendre ; il peut dissoudre l’Assemblée, déclarer la guerre, renier ses engagements à sa guise. Le seul mécanisme de responsabilité, c’est le vote des citoyens au moment où il se représente. Supprimez cette possibilité et vous aurez un roi tout puissant, avec un règne limité dans le temps, mais illimité dans les pouvoirs. Si en plus, c’est pour sept ans au lieu de cinq, le remède sera pire que le mal.
Mais l’argument de ceux qui proposent cette solution, c’est qu’il faut un président qui ne soit pas obsédé par sa réélection pour qu’il puisse faire des réformes impopulaires. C’est une mauvaise idée ?
Pire : c’est une idée antidémocratique. On ne peut quand-même pas poser comme principe que pour bien gouverner, il faut faire ce dont la majorité des citoyens ne veut pas ! C’est plutôt une définition du despotisme. Le président est élu. S’il applique son programme, il peut décevoir par manque de résultats ; mais ses réformes sont légitimes. Le problème, c’est que nos présidents ne font pas ce qu’ils ont promis. Chirac a fait le contraire ; Sarkozy en a fait la moitié ; Hollande n’a pas promis grand chose mais il fait autre chose. C’est de là que vient la déconnexion entre le pouvoir et les citoyens. Un septennat non renouvelable officialiserait cette déconnexion. On aurait un mandat unique et une présidence… inique.
Donc votre conclusion, c’est qu’on ne peut rien changer ? Vous pensez que la France est condamnée à garder un système monarchique ?
La constitution n’est pas gravée dans le marbre, elle a beaucoup évolué depuis De Gaulle. Dans le texte et dans la pratique. Mais toutes les évolutions se sont faites dans le sens du renforcement des pouvoirs du président – sauf le quinquennat, justement, qui était censé épouser l’accélération du temps politique et des rythmes de la société, et qui permettait de revenir plus vite devant les électeurs pour valider ou invalider une politique. Il ne faut surtout pas revenir en arrière. Au contraire, après avoir raccourci le mandat, il faut diminuer les pouvoirs du président: par exemple, supprimer toutes les nominations présidentielles (il y en a des centaines !). Il ne suffit pas de dépoussiérer la présidence, il faut déposséder le président.
Vous pensez que c’est réaliste ? Ça pourrait être l’objet d’un débat durant la campagne présidentielle ?
François Hollande a certainement en tête des propositions institutionnelles pour sa future campagne de 2017 mais ce n’est pas sur lui qu’il faut compter pour "déprésidentialiser" le régime. Toute sa pratique montre l’inverse – il trouve même que les députés ne votent pas assez vite les textes du gouvernement, ce qui relève d’une conception assez césariste des droits du Parlement. Cela dit, il s’est présenté récemment comme le président le plus audacieux de la Vè République. Il ne pourrait pas mieux le prouver qu’en demandant aux Français de le réélire en réduisant ses pouvoirs. Le seul risque qu’il courrait, ce serait que les Français ne lui donnent plus de pouvoir du tout.
Hervé GATTEGNO