Le vrai ni-ni de Nicolas Sarkozy c'est ni triomphe, ni solution
À l'issue d'un premier tour décevant pour la droite aux régionales, Nicolas Sarkozy prône la stratégie du "ni-ni". Le président des Républicains souhaite le "ni fusion avec la gauche, ni retrait face au FN". Hervé Gattegno estime que cela ne suffit pas pour endiguer la montée du FN. En réalité, Nicolas Sarkozy n'est non seulement en panne d'électeurs mais également en panne de stratégies.
Après la percée du FN au 1er tour des régionales, les Républicains ont arrêté leur position : leurs listes se maintiendront partout, même si le FN est en position de l’emporter : "Ni fusion (avec le PS) ni retrait", a dit Nicolas Sarkozy. Votre parti pris : le vrai ni-ni de Nicolas Sarkozy, c’est ni triomphe, ni solution. Que voulez-vous dire ?
Nicolas Sarkozy espérait que ces régionales donneraient le signal d’une reconquête. La droite peut l’emporter dimanche mais son succès est d’ores et déjà gâché par la performance du FN. Face à cela, Nicolas Sarkozy fait le choix d’une ligne qui renvoie dos à dos le PS et Marine Le Pen ; c’est une façon de parer au plus pressé mais à terme, ça ne peut pas suffire à endiguer la montée du FN. Entre les départementales et les régionales, le FN a gagné 1,9 million de voix ; la droite et le centre en ont perdu 800.000. Donc Nicols Sarkozy est à la fois en panne d’électeurs et de stratégie. Il misait sur une vague bleue, le voilà est en alerte rouge.
Alain Juppé a approuvé le ni-ni proposé par Nicolas Sarkozy mais il réclame un débat interne au lendemain du second tour. "Nous ne sommes pas audibles", dit-il. C’est le procès de Nicolas Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy est le plus exposé à cette critique puisqu’il est le chef – et ceux qui l’attaquent n’ont pas plus la solution que lui. Mais lui a justifié son retour par la nécessité de barrer la route au FN, il se présentait comme le mieux placé pour faire rempart. A l’arrivée, l’alliance de la droite et du centre a du mal à faire jeu égal avec le FN. Nicolas Sarkozy faisait le pari qu’en tapant autant sur François Hollande et le PS que sur Marine Le Pen et le FN, LR s’imposeraient comme la principale force d’alternance. Ça ne marche pas. Si la tendance ne s’inverse pas d’ici au deuxième tour, il aura perdu du même coup son meilleur argument.
Invité hier du 20h de TF1, il a renvoyé sur François Hollande et sa politique la responsabilité du score du FN, qu’il attribue à un "vote d’exaspération". Vous êtes d’accord ?
Que les errements de François Hollande y soient pour beaucoup, c’est sûr : il mène une politique qui désespère l’électorat populaire. Mais ce serait trop facile de s’en tenir là. La question cruelle que pose ce vote est : ce discrédit du pouvoir, pourquoi est-ce le FN et non la droite qui en profite le plus ? Nicolas Sarkozy dit que c’est toujours quand la gauche est au pouvoir que le FN monte. C’est à moitié vrai. Oui, le FN a progressé sous Mitterrand et Jospin, et visiblement, il prospère sous François Hollande. Mais en 2007, Jean-Marie Le Pen avait fait 10 % ; et après cinq ans de présidence Sarkozy, Marine Le Pen a fait près du double... Ça prouve que Nicolas Sarkozy avait su faire baisser le FN ; mais il n’a pas su l’empêcher de remonter.
Si dans une semaine, la droite ne remporte pas le triomphe qu’elle espérait, est-ce que Nicolas Sarkozy pourra encore espérer s’imposer à la primaire ?
Il sera dans une position difficile. Ses rivaux sauteront sur l’occasion pour lui reprocher d’avoir contribué à légitimer le vote Le Pen en flirtant avant les thèses du FN. En réalité, le débat sur la ligne de la droite sur les sujets qui fâchent – la sécurité, l’immigration, l’identité, la place de l’islam –, il faudra bien qu’il ait lieu. C’est la primaire qui va l’organiser et ce sont les électeurs de la droite et du centre qui pourront le trancher. Pour qu’il y ait un vrai débat, il faudra que tous les prétendants abattent leurs cartes – Nicolas Sarkozy et les autres. Ce qui fera (ou non) le succès de la primaire, ce ne sera pas qu’il y ait neuf candidats mais qu’il y ait au moins un candidat qui propose du neuf.
Hervé GATTEGNO
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