Les primaires américaines donnent plus d'espoir que les primaires françaises
Hervé Gattegno dresse le bilan du premier scrutin pour les primaires républicains et démocrates aux Etats-Unis. Selon lui, on constate qu'il y a un réel clivage entre la gauche et la droite. Ainsi, le débat se joue sur les idées. Et c'est tout le contraire en France. Ici, les primaires ne font que semer le doute au sein des électeurs.
Vous revenez sur les enseignements du début des primaires américaines après le "caucus" de l’Iowa, qui a été marqué par la contre-performance du milliardaire républicain Donald Trump. Votre parti pris: les primaires américaines donnent plus d’espoir que les primaires françaises. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Si on fait un bilan rapide de ce premier vote, on peut dire que :
1. les favoris sont à la peine (Trump comme Clinton), ce qui montre que l’argent n’est pas tout puissant ;
2. Le désir de renouvellement et le rejet du "système" sont très forts, mais pas seulement au profit des extrémistes.
3. Le débat politique montre un vrai clivage droite-gauche, ce qui fait que l’élection se joue aussi sur les idées.
En France, c’est l’inverse : les primaires servent à départager des barons ; les outsiders n’ont aucune chance ; la radicalisation monte en flèche et le clivage gauche-droite est de moins en moins clair. Aux Etats-Unis, l’élection est un spectacle, mais leur démocratie est spectaculaire – la nôtre est plutôt… crépusculaire.
Vous parlez de la situation des favoris : le coup d’arrêt de Donald Trump, c’est aussi un signal qu’il faut envier à l’Amérique ?
Evidemment. A notre échelle, Donald Trump, ce serait Jean-Marie Le Pen avec la fortune de Martin Bouygues. Il tient des discours délirants, racistes, il veut fermer les frontières, chasser les musulmans, déclarer des guerres : il pourrait être président dans un épisode des Simpson, mais pas pour de vrai – et finalement, c’est la réalité qui le rattrape. Alors c’est vrai qu’il est distancé (pour l’instant) par un candidat encore plus à droite que lui (Ted Cruz), c’est vrai ; mais ce qui compte, c’est que les électeurs lui ont refusé le triomphe qu’il attendait et que les regards se tournent vers le jeune sénateur Rubio, qui est un modéré. C’est une leçon à méditer pour nos Républicains à nous. En tout cas, Trump pensait être le premier des primaires ; il est le cocu de ce caucus.
Ce qui frappe, c’est que beaucoup des principaux candidats, chez les républicains comme chez les démocrates, sont assez âgés : Sanders a 74 ans, Trump 69, Hillary Clinton 68 ans… C’est compatible avec la volonté de renouvellement que vous évoquez?
Plus qu’en France, malgré tout : ce qui caractérise l’ensemble des candidats (sauf Hillary Clinton), c’est qu’ils n’ont jamais exercé de pouvoir important au niveau fédéral. C’est cela qui en fait des hommes neufs, qu’ils soient âgés ou pas (Cruz et Rubio sont des quadras). Du coup, la campagne se concentre sur les programmes et pas sur les bilans – c’est l’avenir qui compte. Aux Etats-Unis, le match Juppé-Sarkozy-Fillon serait inconcevable – ou alors au cinéma, dans Expandables ! En revanche, il y a bien une règle qui veut que le président sortant passe par une primaire. Cette règle est oubliée depuis Bill Clinton, parce que la légitimité des sortants n’a jamais été contestée par leur propre camp. Autant dire que dans le système américain, François Hollande devrait obligatoire-ment en passer par là. Et il ne serait pas favori.
Hervé GATTEGNO
Votre opinion