L'invité du 07/02: René-Paul Leraton
René-Paul Leraton Responsable de la communication de Ligne Azur
Sida info service
Quelle est l’origine de Ligne Azur ?
Ligne Azur est née dans un contexte sida assez différent d’aujourd’hui puisque c’était avant l’arrivée des multi-thérapies. On se préoccupait beaucoup plus de la prévention ces années-là. La ligne se proposait d’apporter des informations et une écoute aux garçons qui avaient des pratiques homos sans s’identifier en tant que tel. Ce que nous avons entendu au téléphone nous a entraîné dans une autre direction puisque plutôt que de sida, les appelants nous parlait surtout de l’ensemble des difficultés (doute, silence, honte, culpabilité) que représentait le sentiment de se sentir différent. C’est ce qui nous a amené à nous investir dans la prévention du suicide. A partir de ce constat, nous avons aussi souhaité ouvrir la ligne aux filles puisqu’on n’était plus uniquement dans de la prévention sida. La terrible ironie de tout cela c’est, qu’aujourd’hui, les jeunes gays font partie des groupes les plus exposés aux prises de risque VIH et à la contamination.
Quel est votre parcours professionnel ?
J’ai été enseignant pendant trente ans et je travaille à l’association Sida Info Service depuis 1991. Avant de m’occuper de Ligne Azur, j’ai été écoutant sur le numéro vert (« sida info service ») pendant 6 ans. Je continue d’ailleurs à faire ponctuellement de l’écoute car c’est la partie la plus intéressante du travail. J’ai également passé un diplôme de sexologie et j’exerce maintenant. Sans me spécialiser vraiment, il est évident que je me consacre en particulier à tout ce qui touche les questions liées aux IST (Infections Sexuellement Transmissibles, dont le VIH), à l’orientation et à l’identité sexuelle. On parle beaucoup de sexualité aujourd’hui et on en montre à tort et à travers. Cependant beaucoup de gens restent avec leurs questions et leur difficultés. Il est important de leur proposer des espaces d’écoute soit au téléphone soit en consultation.
Personnellement, comment avez-vous évolué ?
Je fais partie d’une génération qui a vécu de gros changements dans la manière de vivre et de parler d’homosexualité. Quand j’étais ado c’était la quasi invisibilité. Soit c’était des caricatures ridicules auxquelles on n’avait pas vraiment envie de ressembler. Soit c’était tellement allusif que je ne voyais rien. J’ai eu la chance de faire mon « coming-out » dans le contexte de l’après 68. On remettait beaucoup de choses en question et en particulier tout ce qui touchait à la sexualité. Bien sûr, après cette impression de liberté de la fin des années 70, il y a eu le terrible retour de bâton de l’épidémie de sida. Donc c’est avec tout ça que je me suis investi dans le travail de Ligne Azur. Ayant enseigné l’histoire, je fais partie de ceux qui pensent qu’une minorité - qu’elle soit raciale, culturelle ou sexuelle doit se saisir de son histoire et la faire connaître. Beaucoup de jeunes ont encore l’impression d’être les seuls (ou les seules) au monde quand ils/elles prennent conscience de leur orientation. Il est important de témoigner, de leur montrer qu’ils/elles font partie d’une histoire, d’une culture.
5. Pour terminer, quels sont les projets de Ligne Azur ?
Il faut continuer et développer le travail de Ligne Azur. Nous pensons que mieux se passera le moment où on réalise sa différence plus on en trouvera les bénéfices au moment des premiers rapports sexuels. Le travail autour de l’estime de soi est capital pour tout acte de prévention, et les gays et les lesbiennes en manquent encore beaucoup. L’autre axe de notre travail est de proposer une écoute et une information à tous les professionnels travaillant avec des jeunes. Beaucoup d’entre eux ont souvent envie de « faire quelque chose » mais ils ne savent pas comment. Ils ont peur de dire des bêtises, d’être maladroit par manque d’informations ou n’ont que des visions très réductrices (notamment la fameuse « phase de l’adolescence qui doit passer »). Outre l’écoute, nous allons également envisager de proposer des formations sur les sujets sur lesquels nous travaillons.
La Ligne Azur est une ligne d’écoute anonyme et confidentielle. C’est un espace de parole pour des personnes confrontées à des difficultés dans leur sexualité. Ces personnes peuvent être "perdues" par rapport à leur désir ou à leur identité. La ligne souhaite aussi proposer cet espace d’écoute aux adultes, principalement les parents mais aussi les enseignants, éducateurs, entraîneurs sportifs, etc., qui se trouveraient confrontés à un jeune ou moins jeune se trouvant en difficulté par rapport à son identité ou son orientation sexuelle.
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