Lutte contre le terrorisme: "Une fois qu'ils sont partis, c'est trop tard…"

EXCLUSIF- RMC a pu pousser les portes de la seule et unique cellule de prévention du terrorisme en France. Une structure expérimentale, située en Seine-Saint-Denis, pilotée par le ministère de l'Intérieur et qui existe depuis le mois de novembre dernier. A l'intérieur, deux psychologues, deux psychiatres et deux médiateurs religieux qui ont pour objectif d'empêcher tout départ vers la Syrie ou l'Irak. Reportage.
La France a été en 2014 confrontée à une explosion du nombre d'apprentis-jihadistes partant pour la Syrie et l'Irak. Ainsi, il y aurait actuellement, selon les estimations officielles, 1 400 Français concernés par des départs, près de 400 seraient déjà sur place, plus de 200 ont manifesté des velléités de départ et environ 120 sont déjà revenus, avec près de 200 en transit et 70 morts. Face à ce constat, comment les autorités font-elles pour tenter d'éradiquer toute velléité de départ?
Depuis novembre dernier, en Seine-Saint-Denis, il existe une cellule de prévention du terrorisme. Une structure expérimentale pilotée par le ministère de l'Intérieur et composée de deux psychologues, deux psychiatres et deux médiateurs religieux. De manière exclusive, RMC a pu se rendre sur place afin d'observer comment fonctionne cette structure de "déradicalisation" de jihadistes ou candidats au jihad.
"Je sentais qu'il allait partir"
Il s'agit d'un appartement tout simple, avec un grand salon dans lequel les familles se succèdent (30 au total, ndlr). Des mères, des pères dont les enfants sont en train de se radicaliser, mais aussi des parents dont les enfants sont aujourd'hui encore en Syrie et en Irak. C'est le cas de Patrick (nom d'emprunt) dont le fils, âgé d'une vingtaine d'année, est parti en septembre dernier. Il s'était converti à l'islam quelques mois plus tôt.
"Je sentais qu'il allait partir, je guettais un petit peu ce moment", confie-t-il dans Bourdin Direct ce mercredi. S'il dit "regretter" qu'une telle structure n'ait pas existé avant car "elle aurait pu nous aider", ce père de famille explique pourquoi il témoigne aujourd'hui: "C'est pour les enfants de demain, ceux qui risquent de partir". Aux parents de ces jeunes, Patrick explique qu'il "ne faut absolument pas rompre le lien avec leur enfant, qu'ils essayent de trouver de l'aide via des associations pour commencer à les désendoctriner avant qu'ils ne partent. Parce qu'une fois qu'ils sont partis, c'est trop tard…"
"Une trahison"
Autre témoignage, celui de Valérie dont la fille était mineure lorsqu'elle est partie en Syrie il y a un an et demi. Aujourd'hui, elle a rejoint l'Etat islamique et s'est mariée. Depuis, comme elle le confie à RMC, Valérie vient quasiment tous les jours passer un peu de temps dans cette structure. Avec les autres parents, "on se regarde et on se comprend parce qu'on ressent les mêmes choses. On ne se porte pas de jugement entre nous car on n'est coupable de rien". Selon elle, "on a besoin de beaucoup de cellules comme celle-là car on a besoin d'aide".
Elle ajoute: "Avec mon mari, on a réussi à s'en sortir. Maintenant on n'a pas honte de le dire notre fille est en Syrie, on ne sait pas ce qu'elle fait là-bas." Un départ qu'elle a pris comme "une trahison parce que votre enfant vous fait croire des tas de choses et, au final, il vous ferme la porte et vous ne le voyez plus jamais. Et vous ne savez même pas si vous allez le revoir un jour…"