Mélenchon peut faire gagner Hollande... malgré lui

La percée de Jean-Luc Mélenchon continue : il dépasse 10 % dans tous les sondages. Mais sa progression ne gênera pas forcément François Hollande. Mélenchon peut faire gagner le candidat du PS... malgré lui.
Il faut se méfier de la pensée automatique. Ce n'est pas parce que Nicolas Sarkozy et les siens trouvent subitement toutes les qualités du monde à Jean-Luc Mélenchon qu'il est forcément leur allié. Et ce n'est pas non plus parce que François Hollande et ses lieutenants multiplient les appels au "vote utile" qu'il faut en déduire que voter Mélenchon serait inutile. Ce qui est sûr, c'est que Jean-Luc Mélenchon réussit à fédérer un mécontentement, une frustration, une colère de gauche que François Hollande n'arrive pas à canaliser. Il a su provoquer une déflagration dans cette campagne : un mélange de IIIe République pour l'éloquence et d'altermondialisme pour les revendications qui est assez détonant pour dynamiter l'extrême gauche, réveiller le PC et faire trembler le PS sur ses bases. Mais au total, chacun sait que Jean-Luc Mélenchon appellera à voter pour François Hollande au second tour. Donc, il ne fait pas peser une menace sur lui ; je dirais plutôt qu'il exerce une pression.
Mélenchon veut-il obliger François Hollande à se positionner plus à gauche ?
C'est évidemment son objectif. Son "insurrection civique", c'est l'antithèse du changement social-démocrate que propose François Hollande. Jean-Luc Mélenchon veut empêcher le PS de glisser vers le centre. Il veut l'attraper par la main gauche et le tirer vers lui. Pour l'instant, ça ne marche pas si mal. Regardez la taxe de 75 % sur les plus riches : tout le monde sait que François Hollande l'a inventée, parce qu'il constatait une évaporation des voix sur sa gauche au profit de Jean-Luc Mélenchon. Cela a a donné un deuxième élan à sa campagne, qui avait tendance à patiner - mais ça n'a pas fait reculer Mélenchon. Ça montre qu'il n'y a pas seulement un effet de vases communicants entre les deux candidats, mais que Jean-Luc Mélenchon réussit à déplacer le centre de gravité de la gauche vers ses positions : plus près de la gauche léniniste que de la gauche lénifiante...
On compare souvent Jean-Luc Mélenchon à Georges Marchais, l'ancien secrétaire général du PC dans les années 70. Cette comparaison est-elle pertinente ?
Non. Il a au moins autant de bagout que Georges Marchais et, comme lui, il prend plaisir à moucher les journalistes qui l'interrogent - ce qui plaît toujours beaucoup. Mais c'est assez outrageant d'assimiler son érudition et sa rhétorique aux saillies de Georges Marchais, qui était drôle, mais pas toujours volontairement et rarement aussi inspiré que lui. Surtout, Georges Marchais a été l'un des fossoyeurs du communisme en France, parce qu'il n'a jamais su prendre ses distances avec le régime soviétique et qu'il s'est fait blouser par François Mitterrand. Jean-Luc Mélenchon, lui, est un anticommuniste viscéral qui est en train de ressusciter le PC. C'est une autre performance !
Si François Hollande est élu, peut-il gouverner avec les socialistes ?
Il jure le contraire, mais ce n'est pas le point sur lequel il est le plus convaincant. Si on lit son projet, il est clair qu'il défend des idées qui sont plus proches de celles du président Chávez au Venezuela que de la social-démocratie européenne. Mais Jean-Luc Mélenchon dit lui-même qu'il a appris la politique avec François Mitterrand. Ce qui veut dire deux choses : 1. Il a au moins un point commun avec François Hollande. 2. Il ne faut pas toujours prendre son intransigeance au premier degré.
Ecoutez ci-dessous le Parti pris d'Hervé Gattegno, de ce lundi 19 mars 2012 :
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