Menacé de prison pour avoir aidé une réfugiée de quatre ans: "Si c'était à refaire, je le referais"

TEMOIGNAGE - Rob Lawrie, un Britannique de 49 ans, est poursuivi par la justice française pour avoir caché dans son camion une fillette afghane de 4 ans. Il tentait de l'emmener en Grande-Bretagne pour qu'elle ne passe pas l'hiver dans la jungle de Calais. Arrêté le 24 octobre dernier, il risque cinq ans de prison.
Plus de 36.000 signatures en France et près de 45.000 au Royaume-Uni. Les soutiens à Rob Lawrie, un ex-soldat britannique de 49 ans qui a tenté de faire passer clandestinement la frontière à une enfant Afghane de 4 ans, se mobilisent. Depuis cet été, Rob enchaînait les allers-retours entre Leeds, la ville où il vit en Angleterre, et Calais, pour venir en aide aux réfugiés. Dans sa camionnette, il avait toujours des vivres, des vêtements, et du matériel pour construire des abris.
"Il m'a demandé de sauver sa fille"
"Je suis père de famille. J'ai quatre enfants, un garçon et trois filles. Cet été, j'ai été très choqué par la photo du petit enfant de 3 ans mort sur une plage turque. Cela m'a brisé le cœur et je me suis dit qu'il fallait que je fasse quelque chose. Je me suis donc mis a collecté de l'argent, des vêtements et autres et à les amener à Calais", déclare cet ex-militaire sur RMC pour expliquer sa mobilisation auprès des migrants.
Le 24 octobre dernier, il est encore une fois sur place, autour d'un feu de camp, avec les réfugiés. Parmi eux, Reza, un Afghan et Braha, sa fille de 4 ans. "Je les ai rencontrés la première fois que je suis venu à Calais. Ils me suivaient partout et à chaque fois que je revenais, Reza était le premier à m'accueillir. Au fur et à mesure, nous avons lié des liens. A plusieurs reprises, Reza m'a demandé de sauver sa fille et de l'emmener avec moi à Leeds car il a un oncle là-bas".
"Je ne pouvais pas la laisser là"
Si à chaque fois, Rob refuse en lui expliquant que c'est illégal, ce 24 octobre dernier, alors que Braha s'est endormie dans ses bras, Reza le supplie une nouvelle fois de la cacher dans sa camionnette. Alors, cette fois-ci, Rob succombe: "Je ne pouvais pas laisser cette petite fille vivre dans de telles conditions. La situation sanitaire y est catastrophique et à l'approche de l'hiver je ne pouvais me résoudre à la laisser là. J'ai donc dit à son père: 'Ok, faisons-le'".
Rob cache donc Braha dans un comportement au-dessus du fauteuil du conducteur. Mais quelques kilomètres plus loin, il est arrêté par les douanes françaises. Deux autres réfugiés se sont aussi glissés dans sa camionnette sans qu'il ne le voie. Rob Lawrie est donc arrêté et placé en garde à vue. Braha, elle, est renvoyée dans la jungle de Calais où elle vit encore aujourd'hui.
"J'ai peur d'aller en prison"
Après trois jours de détention à Calais il est laissé libre, Rob doit être jugé le 14 janvier prochain au tribunal de Boulogne-sur-Mer: pour avoir tenté de faire entrer clandestinement un enfant en Angleterre, il risque cinq ans de prison et 30.000 euros d'amende. Pour autant, il ne regrette pas sa décision. "Si c'était à refaire, je le referais, mais différemment… De manière légale".
"Si la manière dont je l'ai tenté met en lumière ce qui passe pour les réfugiés du camp de Calais, c'est une bonne chose. En suis-je fier? Je ne sais pas. Ai-je peur? Je suis pétrifié. J'ai peur d'aller en prison, de perdre ma famille, confie-t-il. Mais j'ai toujours dit qu'il ne s'agissait pas de moi, que l'objectif est de médiatiser ce qu'il se passe dans la jungle. Comment peut-on autoriser ce qu'il s'y passe? L'Union européenne n'en fait pas assez pour aider les enfants de réfugiés. Ils ont un futur et si on ne les aide pas maintenant dans quelques années ils se retourneront et se souviendront que l'on n'a rien fait".
"Il faut le soutenir"
L'histoire de Rob a suscité une vague d'émotion en Angleterre et en France. Une pétition pour demander à la garde de Sceaux, Christiane Taubira, d'annuler les poursuites contre cet ex militaire a été lancée dans les deux pays et a déjà récolté un cumul de près de 80.000 signatures. "Il faut le soutenir. Il ne faut absolument pas que cet homme finisse en prison pour avoir tout simplement eu un cœur", assure Sylvaine, Française vivant près de Leeds.
C'est elle qui a lancé la version française de la pétition. "C'est un crime de compassion, si on veut appeler ça un crime, plutôt qu'autre chose. D'ailleurs sur la pétition, un commentaire revient souvent: 'J'aurais fait la même chose'. On est tous parent, grands-parents, frère, sœur… et on a du mal à imaginer qu'un de nos proches vivent dans les terribles conditions de la jungle".