Moscovici à Bruxelles, le symbole de la France qui perd

Vous voulez revenir sur la nomination annoncée de P. Moscovici au poste de commissaire européen chargé des affaires économiques. Votre parti pris : Moscovici à Bruxelles, le symbole de la France qui perd. Qu’est-ce qui vous rend aussi sévère ?
Le bilan et la
personnalité de Pierre Moscovici ne plaident pas en sa faveur. Son bilan à Bercy
est plus que médiocre. On l’a presque déjà oublié mais il a été le principal
artisan d’une politique qui a échoué à peu près sur tout. On ne voit pas ce qui
ferait subitement de lui l’inspirateur d’une ligne gagnante pour l’Europe. Et
puis c’est un homme qui a du talent, mais désinvolte, ce qui fait qu’il avait
peu de poids au gouvernement. Il n’en aura pas plus à Bruxelles, puisque la
France est vue comme le mauvais élève de la classe européenne. Il ne sera pas
le représentant d’une France qui pèse, mais celui d’une France qui perd.
Pourtant, il semble
que François Hollande s’est beaucoup battu pour obtenir sa nomination à ce poste
particulier. Pourquoi est-ce que ce ne serait pas un succès pour la
France ?
C’est ce que
l’Elysée aimerait nous faire croire mais ce n’est pas vrai. Pierre Moscovici n’a
pas été nommé parce qu’il sortait du lot, mais comme un lot de consolation –
nuance. Il fallait bien donner quelque chose à la France. Les postes les plus
stratégiques ont été attribués sous l’influence de Mme Merkel : Jean-Claude Junker
à la Commission, Donald Tusk à la présidence du conseil européen, Luis de Guindos à
la présidence de l’eurogroupe. Il est même question de créer un vice-président
de la Commission pour les affaires économiques. C’est dire que Pierre Moscovici ne
sera pas aux avant-postes…
Tout de même,
est-ce qu’on ne peut pas penser que François Hollande va s’appuyer sur lui pour
essayer d’obtenir – enfin – cette fameuse politique de relance européenne qu’il
réclame depuis des mois ?
Peut-être, mais ce
serait paradoxal. A tort ou à raison, Pierre Moscovici incarne aux yeux de nos
partenaires l’insuffisance des efforts français en matière de sérieux
budgétaire. Tout ce qu’il a obtenu dans la lutte contre les déficits, ce sont…
des délais – et c’est encore ce que Hollande demande puisque l’objectif des
3% est complètement hors d’atteinte. Il faut se rappeler aussi que cette
relance européenne, Hollande est censé l’avoir déjà lancée en 2012 avec son
"pacte de croissance" pour financer de grands chantiers – un pacte
de plus qui a eu zéro impact : il a été enterré par l’eurogroupe, dont
Moscovici était l’un des membres. Confier un grand plan d’investissement à un
ministre aussi peu investi, c’est un comble !
Si on vous écoute
bien, on se demande quel était l’intérêt pour François Hollande de pousser malgré
tout Pierre Moscovici dans une fonction aussi importante…
On est loin de la haute politique : François Hollande l’avait promis à Pierre Moscovici quand il l’a écarté du gouvernement – c’est au moins une promesse qu’il a tenue. Et s’il ne l’a pas gardé à Bercy, c’est bien parce qu’il n’avait pas pris la mesure du poste. En plus, il avait eu la légèreté de parler du "ras-le-bol fiscal", ce qui revenait à dénoncer sa propre politique. Mais en France, les proches du monarque sont récompensés, même pour leurs échecs. Et l’Europe reste le point de chute idéal pour les favoris déchus (Harlem Désir est secrétaire d’Etat aux affaires européennes). François Hollande prétend réorienter l’Europe. Avec Moscovici, il a seulement réussi à recaser un fidèle.
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