Partenariat Côté Santé
Adultère : faut-il lui dire ?
Que l’on soit le trompeur ou le trompé, face à un adultère - et dès lors que l’on s’aime encore - comment doit-on réagir ? Comment affronter au mieux cette crise majeure et souvent douloureuse du couple ?
Corinne Guillaumin
Jusqu’alors tout allait bien, du moins vous le pensiez. Vous vous aimiez et vous étiez très complices. Puis un beau jour, vous ne savez pas très bien ce qui s’est passé mais… vous avez trompé votre conjoint ou votre conjoint vous a trompé ! Alors que faire ? Avouer l’incartade au risque de mettre en péril son couple ? Ou au contraire, tout dissimuler au risque d’être rongé pendant des lustres par la culpabilité ? Et lorsque l’on est trompé, doit-on congédier sur le champ et sans ménagement, l’infidèle ou bien pardonner et faire en sorte que le couple ne connaisse plus jamais une telle mésaventure ?
Mille et une raisons d’être infidèle Une réplique du célèbre film « Quand Harry rencontre Sally » de Rob Reiner : « On ne brise pas un mariage à cause d’une infidélité. C’est juste le signe que quelque chose d’autre ne va pas » illustre parfaitement ce que beaucoup de spécialistes du couple, s’accordent à dire : l’infidélité n’est jamais le fruit du hasard ! Pratiquée aujourd’hui, presque de manière équitable par les hommes comme par les femmes (dans un sondage de 2001, réalisé par IFOP/M6, 39% des hommes avouaient être infidèles et 24% des femmes), l’infidélité est, en effet, bien souvent, révélatrice d’un malaise au sein du couple ou d’un conflit intérieur, bref l’expression d’une insatisfaction, d’une frustration. Pour autant, même si l’on a coutume de dire que la fidélité a deux ennemis tenaces : la monotonie du quotidien et la sexualité (le premier entraînant souvent le second !), les raisons qui nous poussent à l’adultère sont multiples, très personnelles, parfois inconscientes, différentes d’un sexe à l’autre et donc infiniment plus complexes ! Sachez par ailleurs, qu’un nombre non négligeable d’infidèles qui ont goûté à « cette liberté » sont assez enclins à recommencer !
Toujours beaucoup de souffrances C’est pourquoi, avant de vous décider de révéler ou pas votre incartade, commencez peut-être par comprendre pourquoi, vous vous êtes autorisés, à un moment donné, à passer à l’acte. Que recherchiez-vous ? Car il est bien évident qu’une telle expérience ne peut s’appréhender et se vivre dans une totale légèreté. A moins d’être complètement détaché ou sans le moindre état d’âme - et excepté quelques rares exemples - l’infidélité engendre de manière assez irrémédiable beaucoup de souffrance, qui peut elle-même générer de profondes blessures, parfois même indélébiles. D’abord, bien sûr, chez le conjoint qui apprend qu’il est trompé, mais aussi chez celui qui commet « la faute ». Car ce dernier est en proie à la culpabilité : culpabilité de faire du mal à l’autre, culpabilité de mettre peut-être son couple en péril, culpabilité d’avoir transgressé une valeur incompatible avec sa propre morale et ses propres convictions… La question de l’aveu demeure donc cruciale mais particulièrement délicate. Alors qu’on se le dise, il n’existe ni réponse miraculeuse, ni solution universelle. Tout dépend de chacun. En effet, chaque personne réagit selon sa propre histoire (donc éventuellement ses traumatismes et ses blessures), celle de son couple, sa personnalité et celle du conjoint, ses valeurs morales…
A question délicate, réponse délicate Aussi surprenant que cela puisse paraître, certains spécialistes affirment que l’infidélité peut parfois s’avérait bénéfique et salutaire puisqu’elle peut permettre de prendre conscience du malaise ou des difficultés que traverse le couple. Dans ce cas précis, avouer son escapade, peut être l’occasion pour les deux protagonistes d’ouvrir la discussion, de se retrouver, de reprendre la relation en mains, et parfois même de renforcer le lien conjugal. Pour autant, si vous envisagez de vous confier, posez-vous, au préalable, deux questions essentielles : l’autre sera-t-il ou elle capable de supporter et de surmonter un tel aveu ? Et jusqu’où suis-je prêt à aller pour me faire pardonner et offrir un second souffle à notre histoire ? Cela étant, ne vous méprenez, se confier, ne signifie pas pour autant, raconter votre escapade dans les moindres détails ! C’est avec ses éventuelles questions, que l’autre vous fixera ses limites, ce qu’il peut supporter. De toutes les façons, évitez toujours d’aborder les questions, liées à la sexualité, à la tierce personne ou aux circonstances. La seule façon de redonner une chance à votre couple, ce n’est pas de parler de l’infidélité en elle-même mais plutôt de ce qu’elle révèle et de ce qu’elle implique. Et puis surtout, soyez honnête avec vous-même et respectez votre conjoint : ne vous confiez pas avec pour seul prétexte, de libérer votre conscience et d’obtenir un pardon, bref de vous dédouaner. Ne l’accusez pas de vos propres souffrances en lui faisant endosser la responsabilité de votre incartade. Vous avez commis un impair, alors assumez-le !
Ne rien dire pour épargner l’autre D’autres spécialistes considèrent, en revanche, qu’il ne faut rien dire. D’une part, parce que l’aveu conduit le conjoint à une souffrance inutile et injustifiée et que d’autre part, ce serait une preuve d’immaturité que de renseigner l’autre sur ses moindres faits et gestes. Chacun ayant besoin et surtout le droit, de cultiver son jardin secret ! Effectivement si vous avez conscience que vos infidélités sont plutôt le fruit d’un problème personnel, comme par exemple, un besoin irrépressible d’être toujours rassuré, un moyen de combler une éternelle insatisfaction… Comme cela ne concerne en rien votre conjoint, vous pouvez trouver déplacé de lui en parler. D’autres ont par ailleurs des convictions, quelque peu différentes des valeurs morales communes et admises par tous. Ceux-là partent du principe, qu’à partir d’un certain nombre de mois ou d’années de vie commune, s’il peut y avoir fidélité du cœur, il n’y a jamais fidélité du corps. (Cf Encadré 1). Ils ne vivent pas donc l’infidélité comme une trahison mais au contraire comme quelque chose de naturel, l’expression d’un besoin, faisant parti de leur équilibre. Bref, une manière de rester fidèle à soi-même. D’autres enfin, plus intrépides, pensent que silence et infidélité sont la réponse parfaite pour pimenter et donner du relief à leur existence. Rien que cela ! Quoiqu’il en soit, il va s’en dire, que si vous décidez de rester muet, il vous faudra assumer votre silence, gérer votre culpabilité et surtout votre ou vos infidélités en faisant preuve d’une discrétion et d’une organisation irréprochable !
Accepter de redonner sa confiance Si une fois encore, il n’ y a pas de règle idéale pour répondre à l’annonce d’une infidélité, une chose est pourtant sûre : réagissez. Et quelle que soit votre réaction. Colère, pleurs, bouderie, cris, sarcasmes peut-être même… vous devez afficher votre douleur autant que votre déception. De toutes les façons, si l’aveu vous laisse de glace, totalement indifférent(e), c’est que quelque chose ne va plus… et qu’il est peut-être temps de changer de foyer ! Plus vous serez attaché à votre conjoint et à votre couple, plus vous vous sentirez trahi et désemparé, plus il vous sera pénible d’assumer cet aveu. Alors, certes beaucoup estimant que l’acte est impardonnable, qu’il leur est impossible de restaurer la confiance bafouée, ne chercheront pas à comprendre et préfèreront mettre un point final à l’histoire de leur couple. Seulement, on est en droit de se demander si les ressentiments et la rancune sont d’un grand réconfort pour la personne et dans quelle mesure, ils ne seront pas un handicap, au moment d’envisager une future relation ? En revanche, si vous décidez de pardonner, vous devrez absolument faire table rase de cet épisode. C'est-à-dire que vous devrez éviter de rejeter entièrement la faute sur votre conjoint, accepter de vous remettre en question et prendre conscience de vos propres erreurs au sein de votre couple. Par ailleurs, il faudra réapprendre à accorder votre confiance même si il est établi que la plupart des gens trompés deviennent plus méfiants. Bref, il vous faudra beaucoup de temps, de patience et d’abnégation car comme le disait Mme Lafayette « On pardonne les infidélités, on ne les oublie pas. »
- Questions à Loïck Roche, docteur en psychologie, docteur en philosophie et auteur de « L’Amour Infidèle, un couple deux libertés » aux Editions Le Bord de l’eau.
Côté santé : selon vous, faut-il avouer son ou ses infidélités ?
Loïck Roche : dés lors que l’on souhaite rester avec son conjoint, à priori non. Pourquoi ? Parce que je pars du principe que l’infidélité est normale, qu’elle est constitutive de l’être humain. Pour moi, on est tous amenés un moment donné à tromper son partenaire. Pour autant, tout le monde ne passe pas à l’action. Il faut déjà en trouver l’occasion et surtout s’autoriser à le faire. Evidemment, il y a toujours des exceptions mais si on peut être fidèle en amour, c’est une illusion de croire, qu’après un laps de temps (que certains estiment à deux ans d’histoire commune) l’on peut l’être sur le plan sexuel. Seulement allez raconter à son partenaire sa ou ses liaisons extraconjugales, c’est totalement lui manquer de respect et chercher à lui faire du mal. On n’a pas à lui raconter ce qui fait parti de notre propre histoire, de nos propres turpitudes.
Côté santé : et lorsque l’on est trompé, comment réagir ?
Loïck Roche : cela dépend de chacun. Il y a des personnes qui ont le pardon plus facile que d’autres. Et puis si elles ont été elles-mêmes infidèles, il y a des personnes, qui pourront estimer que c’est un juste retour des choses… Il n’y a pas vraiment de règles. En revanche, ce n’est pas à la personne qui « trompe » de décréter si elle a commis ou pas une faute. C’est au contraire à la personne qui s’estime flouée de fixer les limites. Je m’explique. Si je suis, par exemple, devant mon ordinateur à discuter d’un sujet un peu osé avec une internaute et que ma femme me surprend : soit elle peut considérer qu’il y a tromperie, soit elle peut estimer que non puisqu’il n’y a pas de contact direct avec la personne en question. Les règles du jeu doivent être déterminées par celui qui subit la situation et non pas, par celui qui « faute ».
Côté santé : par rapport à leurs aînés, pensez-vous que les jeunes d’aujourd’hui ont une approche différente du couple ? En d’autres termes, qu’ils sont plus libres, qu’ils acceptent mieux l’infidélité ?
Loïck Roche : il y a certainement une évolution dans les mœurs. Maintenant, restons réalistes. Si certains jeunes acceptent plus facilement l’infidélité, c’est sans doute parce que leur attachement n’est pas encore très fort, qu’ils ont de multiples sollicitations, etc. Pourquoi l’amour libre des années post 68 n’a pas marché ? A cause des sentiments. Tant qu’il n’y a pas trop de sentiments, trop d’attachement, lorsque l’on reste encore dans le domaine du jeu, tout va bien. C’est après que tout se complique. Car dès lors que l’on est amoureux, que l’on éprouve des sentiments très fort pour une personne, on ne maîtrise plus rien : ni la jalousie ni la douleur !
- Témoignages
Anne-Marie, 32 ans, en couple, assistante marketing « Si ce n’est pas prémédité et qu’il s’agit d’une rencontre éphémère, je trouve qu’il vaux mieux garder ce genre de choses pour soi. Pourquoi faire souffrir l’autre et compliqué inutilement une situation ? On a tous droit à sa part de mystère. J’aime profondément mon compagnon mais cela ne m’empêche pas pour autant de désirer d’autres hommes. Cela n’a rien à voir. Certaines de mes amies ne comprennent pas mon point de vue mais pour ma part, je fais une vraie distinction entre l’Amour avec un grand A et le sexe. Evidemment, beaucoup trouvent que c’est immoral. Mais combien d’hommes et de femmes font l’amour en pensant à un autre ou une autre ? Je crois surtout qu’il y a dans tout cela pas mal d’hypocrisies ! »
Dominique, 45 ans, marié, deux enfants, ingénieur informaticien « Si ma femme m’avoue qu’elle a un amant, je crois que je rentre dans une colère folle. En tout premier lieu, je serais tenté d’aller corriger ce type puis je demanderais à ma femme de partir. Je suis très amoureux d’elle mais je suis aussi très exclusif. Je ne le supporterais pas. Pour moi, l’adultère est une faute impardonnable. De toutes les façons, je me connais suffisamment pour savoir que je ne pourrais plus jamais lui faire confiance. Je n’arrive pas du tout à comprendre comment certains couples parviennent à surmonter une telle situation. Quand c’est cassé, je ne vois pas très bien comment on peut recoller les morceaux ! »
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