Pénurie de beurre: "Ce n'est quand même pas comme en temps de guerre, mais ça devrait durer"
Vous aussi, vous avez du mal à trouver votre beurre préféré dans les rayons de votre supermarché? C'est normal: la France traverse un épisode de pénurie de beurre. Et selon Benoit Rouyer, directeur du service économie du Centre interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), cet épisode devrait durer encore quelques semaines, voire quelques mois.
Benoit Rouyer, directeur du service économie du Centre interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL).
"La première raison est simple: la demande est plus abondante que l'offre. La demande de beurre est de plus en plus soutenue depuis quelques années. Et face à ça, on a une production de lait qui a été moins abondante. Forcément, avec moins de lait, on a moins de crème disponible pour fabriquer du beurre.
Pour expliquer la hausse de la demande, il y a d'abord une espèce de réhabilitation scientifique. Des travaux récents ont remis en cause le rôle prétendu effet néfaste du beurre notamment sur notre système cardiovasculaire. Il y a aussi une aspiration des consommateurs vers plus de naturalité et de plaisir. On le voit bien avec la profusion d'émissions sur la cuisine. Le beurre est un exhausteur de goût, un ingrédient incontournable de beaucoup de recette. Enfin, il y a quelque chose de plus inattendu: certains pays qui consommaient peu de beurre en consomment davantage. Non pas sur du pain en tartine comme chez nous, mais comme ingrédient dans des pâtisseries occidentales, qui marchent assez bien en restauration haut de gamme, au Moyen-Orient ou en Chine.
"Les vaches n'ont pas été nourri aussi convenablement qu'on l'aurait souhaité"
Parallèlement, la production de lait en France n'a aussi pas été assez dynamique depuis l'automne dernier. Les fourrages n'ont pas été très bons. Et les vaches n'ont pas été nourries aussi convenablement qu'on l'aurait souhaité. Et ça a un impact sur leur production de lait. Elle a baissé en 2016 de 2,5%. Pour le premier semestre de l'année 2017, c'est encore une baisse de 2,5%. Ça n'a pas l'air conséquent, mais quand vous êtes sur un marché peu dynamique, l'impact est assez fort sur les prix.
En France, traditionnellement, les évolutions de prix sont plutôt mesurées. En un an, les prix de la plaquette de beurre en supermarché ont augmenté de 7 à 8%. Dans le même temps, en Allemagne, cette augmentation est de 72%, c'est énorme. En France, les chaînes de distribution ont beaucoup de pouvoir. Quand il y a des hausses sur les marchés internationaux, elles sont ne pas enclines à écouter les demandes d'augmentation de leurs fournisseurs. J'imagine que les laiteries arrivent avec des propositions d'augmentation de tarif en disant 'voilà, à l'étranger, nos clients ont accepté des augmentations parce qu'ils ont conscience qu'il y a peu de marchandises'. Et ils ne reçoivent pas la même écoute avec leurs clients en France.
"Il ne faut pas non plus dramatiser"
Cette pénurie peut durer jusqu'à au moins la fin de l'année. Le premier semestre est plutôt une période où on est un peu excédentaire en termes de production de lait. Au printemps la pousse de l'herbe est maximale, donc les vaches produisent davantage. Normalement, à cette période, on stocke le beurre qu'on a fabriqué en trop pour le consommer au second semestre. Malheureusement, on s'est retrouvé à la fin du premier semestre avec pratiquement aucun stock. On savait que le second semestre allait être compliqué. Donc ça durera jusqu'à ce que les vaches retournent à l'herbe au printemps 2018.
On en retrouvera, ce n'est quand même pas une pénurie comme en temps de guerre. Il ne faut pas non plus dramatiser. C'est une situation compliquée. Mais ça rappelle que le beurre est un produit, qui est issu de l'agriculture. Et en agriculture, à cause des phénomènes météo, on n'est jamais assurés du niveau de disponibilités des produits agricoles. Parfois, on a un peu tendance à l'oublier."
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